Discours...
Voici le discours prononcé par M. d’Almont, président du comité du monument de Quincy, à la cérémonie de dimanche.
Mesdames, Messieurs,
Le jours où le peuple de Paris assemblé sur la place de l’étoile rendait au soldat inconnu un suprême hommage, un grand patriote, parlant au nom de la France, prononçait ces paroles ; « les morts, surtout ces morts commandent aux vivant : obéissons à leur voix pour faire dans la paix qu’ils ont conquise une France unie, laborieuse confiante et forte. » Pensée sublime, pensée pleine d’idéal, pensée qui résume tout ce qui est notre vie nationale ! Déjà vous l’avez entendue cette vois des morts puisque vous êtes venus si nombreux près de ce Monument que votre générosité a élevé à leur souvenir. Oui, ils ont le droit de commander ces héros de la grande guerre et nous avons le devoir de leur obéir, car ils ont écrit de leur sang le plus belle page de votre histoire et l’œuvre qu’ils ont accomplie dans la guerre doit porter tous ses fruits dans la paix. Sans eux plus de France ! O France si grande devant les siècles, effacé pour toujours ton glorieux passé avec tout son cortège de grands noms, orgueil de ta race !
Disparus pour toujours tes beaux monuments, tes belles cathédrales, tes œuvres d’art, orgueil de ton génie. Plus de France ! A dieu terre féconde, forêt superbes, riches vallées, fertiles plaines dorée de moissons, adieu riants coteaux, ornée de pampres enivrants ! Dans sa ruée terrible la Barbare avec son artillerie incendiaire, avec sa chimie d’enfer a tout effacé, a tout anéanti. Plus de France ! O douce France, pays d’idéal, de liberté, de justice, ce peuple impur a souillé ton âme avec sa « Kultur » immonde et sacrilège !
Ah ! loin de nous cette terrible vision ! Mais ils étaient là les soldats de France ! Barrant la route au brutal envahisseur et tombant sous ses coups, ils ont crié : non tu ne passeras pas, non tu n’auras pas notre village. Et voilà l’œuvre qu’ils ont accomplie ces martyrs de la Patrie ; ils ont sauvé la France.
Devant ce sublime sacrifice inclinons nous tous respectueusement, le cœur plein de reconnaissance. Ils ont tant souffert.
Vous, les vétérans qui avez connu les jours malheureux de 70, désormais votre vieillesse pourra s’écrouler paisiblement dans le calme de vos foyers.
Remerciez-les de vous avoir donné la Revanche. Vous, les jeunes, remerciez les d’avoir ouvert devant vous un avenir de pais et de prospérité. Et vous nobles et vaillants soldats qui formez la garde d’honneur près de cette stèle et qui avez été leurs compagnons dans la bataille, vous direz ce qu’ils ont souffert, vous direz pour quelle cause ils ont donné leur vie, vous proclamerez leur héroïsme, vous serez leurs interprètes et vous veillerez à ce qu’ils soient obéis. Ainsi vous rendrez leur mémoire plus sacrée encore.
En vous femmes de France ! guidez près de cette pierre vos chers enfants, faites leur épeler les noms de ceux qui les ont conservé à votre affection, expliquez leur cette page d’histoire et qu’ils ne l’oublient jamais. Qu’ils puisent là, ces chers petits, le plus précieux des enseignements, qu’ils apprennent là que le patriotisme n’est pas un vain mot, un simple souffle qui passe et agite un drapeau, mais l’amour le plus beau, le plus fort, le culte le plus sacré pour lequel on donne si généreusement sa vie. Quel bel exemple d’abnégation il y a là, dans ce siècle où le plus coupable individualisme semble vouloir remplacer le devoir et perdre notre race ! Dans ces temps où le veau d’or est plus que jamais debout n’est ce pas à leur école que les caractères se tremperont le mieux et sortiront plus fort, plus généreux !
Et vous, jeunes filles, parure de notre village, vous viendrez souvent au pied de cette stèle, telles de pieuses vestales, déposer des fleurs et prier, afin qu’il y ait toujours là comme un parfum de jeunesse, de beauté et de piété. Ainsi vous aiderez à rendre plus vivant leur souvenir.
En cette assemblée solennelle autour de ce Monument qui rappelle la gloire, mais aussi le deuil, tournons nos regards vers ces familles éplorées qui ont donné à la Patrie ce qu’elles avaient de plus cher. Devant une telle douleur et un si grand sacrifice que nos cœurs débordent de la plus sincère sympathie et que nos prières montent vers le ciel. Ah ! Que tant de douleurs, que tant de sacrifices n’aient pas été inutiles ! Que ce beau sang de France n’ait pas coulé en vain ! Oh ! glorieux morts ! dormez en pais votre sommeil éternel ! Vous avez fait votre devoir, nous ferons le nôtre. Vous commandez, nous obéirons.
A vous, vaillant combattants, j’adresse un dernier appel pour continuer leur œuvre. Là bas, dans la tranchée, sous la mitraille, devant la mort toujours menaçante votre caractère a mûri, votre cœur s’est trempé à la source des sentiments généreux de charité et d’idéal et vous avez reconnu l’inanité de vos discordes d’antan.
Prêchez là donc maintenant cette grande leçon de charité et d’idéal, soyez autour de vous les apôtre dévoués de la Patrie et faites que, désormais, dans un superbe élan d’union sacrée, nous travaillions tous, dans la pais et concorde, à la grandeur et à la prospérité de la France.
Source: La dépêche du Berry du 21 juin 1922. Transcription Monumentsducher1418