Moment fort de l'inauguration, le poème...
Poème dit par Mlle Mangeot au pied du monument aux morts de Marçais.
S’il existait des mots pour peindre la douleur
Et des mots pour chanter la Gloire,
Je voudrais, aujourd’hui, que ma vois ait l’ampleur
Du vent qui chanta la Victoire…
Mais si mes clairs accents ne sont pas assez forts
Pour mêler Triomphe et Souffrance,
J’oserai cependant, parler de nos grand Morts,
Ceux qui sauvèrent notre France.
Je les ais vus partir… ils étaient fiers, joyeux,
Ils riaient et chantaient ensemble,
Ceux qui restaient avaient des larmes plein les yeux…
En y songeant, mon âme tremble…
Certain sont revenus… Ce fut le grand bonheur
Après tant d’heures trop amères…
Mais d’autres sont restés… et l’on a dit aux mères :
Vos fils sont morts au Champ d ‘honneur !
Et les mamans, les sœurs, les bons vieux et les vieilles
Serrant contre elles les petits,
Ont sangloté…songeant qu’après les mois de veilles,
On ne reverrait plus les pauvres gars partis…
Ah ! s’il n’est pas trop tard pour que l’on vous console,
Parents dont les fils sont tombés ;
Vous pouvez relever vos fronts las et courbés,
Les martyrs ont leur Auréole…
L’auréole de ceux qui, victime de Sort
Périrent pour la grande cause
Et dont nous célébrons ici l’Apothéose…
Car il n’est de plus belle mort.
Mourir au champ d’honneur, c’est mourir plein de gloire
Le front auréolé d’un nimbe de soleil
C’est avant de partir pour le dernier sommeil
Ecrire avec du sang vermeil,
Au livre d’or un nom dont on garde mémoire.
Mourir au champ d’honneur, c’est un soir de bataille
Tomber, les poings crispés à l’étendard vainqueur ;
C’est entendre, expirant une balle en plein cœur,
Ses frères de combat, en choeur,
Crier aux ennemis : « Vous n’êtes pas de taille ! »
Mourir au champ d’honneur, c’est mourir l’âme fier,
En tirant sans arrêt, sans peur, bien que meurtri…
Pour montrer que les fils vaillants du vieux Berry
Soldat de corps comme d’esprit,
Ont vaincu l’Allemand violant la frontière.
Mourir au champ d’honneur, c’est en donnant sa vie,
Penser que l’on a fait jusqu’au bout son devoir,
C’est, en fermant les yeux, garder l’ardent espoir
Qu’un jour prochain luira, des Uns de Paix suivie…
Mourir au champ d’honneur, c’est mourir en apôtre,
Pour le droit, la justice et pour la Liberté,
Pour que le sol français ne soit plus dévasté,
Pour que le grain qu’on a jeté
Ne soit pas moissonné, quelque jour par un autre.
Mourir au champ d’honneur, c’est bravant la souffrance,
Glisser sans une plainte au glorieux trépas,
Et, tout seul, en pensant à ceux qui sont là bas
Et que l’on ne reverra pas
Rendre l’âme en criant bien fort : « Vive la France ! »
Vive la France ! et vive aussi, loin des canons,
Votre cher souvenir. Enfants, et qu’on épelle
En passant, la liste immortelle
Qui porte l’Or gravé de vos trente six noms.
Que ce fier monument qu’ici l’on inaugure,
Dise à ceux qui viendront plus tard que, dans Marçais.
La mort des combattants n’est point resté obscure
Et que les survivants ont des cœurs bien français.
C’est donc à vous, grands Morts infiniment sublimes,
Que, tous nous apportons les fleurs du souvenir
C’est vers vous, preux tombés dans l’ombre ou sur les cimes.
Que nous avons voulu venir.
Car vous êtes vivants incrustés dans la pierre ;
Nous vous revoyons tous et nous vous parlons mieux…
De la foule, vers vous, monte cette prière
Faite de versets glorieux,
Et toujours, à l’Hiver, au Printemps, à l’Automne,
Sur ce blanc Mausolée, ô Morts inoubliés,
Nous reviendrons, émus, apporter des couronnes
Et graves, les genoux pliés.
Nous répandrons sur vous des fleurs toujours nouvelles
En gerbes où la gloire aura mis sa Clarté
Pour que ces fleurs, ô morts, les seules immortelles,
Disent votre immortalité !
Jacques Martel
Août 1921
Source: L'avenir du Cher N° 1918 du 4 septembre 1921 Transcription Monumentsducher1418