Inauguration... (Discours)
Nous donnons ci-dessous le texte des discours prononcés au cimetière, le 8 février dernier, jour de la fête du Retour des Démobilisés, dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro.
Discours de M. le Marquis de Colbert Président des Démobilisés.
Mesdames, Messieurs,
Notre peuple de France a toujours gardé précieusement la mémoire et le culte de ses morts. Mais si jamais cette mémoire et ce culte ont un droit plus spécial à notre fidélité, c’est bien lorsqu’i s’agit des morts de la guerre, de ceux qui sont morts pour que la France, traîtreusement prise à la gorge par des barbares sans honneur, se libère de leur odieuse étreinte, pour que la France immortelle vive et continue à répandre sur le monde tout entier, les effluves bienfaisantes de son âme si noble et si généreuse, messagère du progrès et de la civilisation.
L’héroïsme de nos concitoyens Eugène Favicre, Jean Allègre, René Thomas, Louis Dussault, Eugène Touraton, Albert Schmidt, Jules Giraud, morts dans des circonstances diverses, les uns face à l’ennemi, faisant généreusement le plus grand sacrifice qu’un homme puisse faire, celui de sa vie, les autres en accomplissant pour la défende nationale une tâche plus obscure mais non sans utilité ni mérite, leur créé des droits tout spéciaux à notre reconnaissance éternelle, droits auxquels correspondent autant de devoirs de notre part.
Je vais essayer, Mesdames et Messieurs, de rappeler brièvement nos devoirs envers nos chers disparus.
Tout d’abord, souvenons-nous de nos morts.
Que jamais ni le souci de nos affaires, ni poids parfois lourd de la tâche quotidienne de nous empêche de reporter de temps en temps vers eux un souvenir pieux et attendri. N’oublions pas qu’ils ont sacrifié leur existence pour que nous puissions vaquer en toute liberté et sécurité à nos occupations journalières. Ne les faisons donc pas tomber dans cet oubli auquel trop de morts sont condamnés par la légèreté des survivants. Ayant la mémoire du cœur !
2° Honorons nos morts !
Dans la Grèce et la Rome antiques, au moyen-âge comme dans les temps plus rapprochés de notre histoire qui commence à Vercingétorix, défenseur du sol Gaulois contre César, il y a deux mille ans, les victimes du devoir militaire ont toujours été honorées d’une manière éclatante. Conservons ces pieuses traditions à l’égard de ceux qui sont tombés dans la plus terrible des guerres que le monde ait vue. Les soldats de 1914 à 1918 ont eu à lutter contre la science émise au service de la barbarie, contre les gaz asphyxiants, contre les liquides enflammés, épouvantables moyens de destruction que leurs pères de 1870 et leurs ancêtres de l’épopée de Napoléon n’ont point connu. Ils ont été la plupart du temps condamnés à la terrible monotonie des tranchées alors que leurs prédécesseurs faisaient de rapides guerre de mouvement. Admirons donc et honorons magnifiquement les héros qui après avoir vécu cette existence de douleur, l’ont couronnée par la suprême immolation.
3° Ecoutons les leçons que nous font nos morts.
Ils nous enseignent l’oubli de nous-même et le dévouement sublime. Ils se sont dévoués à la France guerrière, sachons à notre tour nous dévouer à la France rendue à la paix.
Une tâche immense s’offre aujourd’hui à tous les Français, il s’agit de rendre à notre pays la prospérité de jadis, de produire, de travailler pour ne plus être tributaires de l’étranger, pour éviter la ruine de l’agriculture française, du commerce et de l’industrie français, de la France tout entière en un mot. Nos morts ont tracé le sillon, et pour rendre plus fécond ils l’ont arrosé de leur sang. Que leur sacrifice ne soit pas inutile ! Travaillons ! Et pour que notre travail soit plus facile et plus productif, vivons dans la concorde et l’union de toutes les intelligences, de tous les cœurs, de toutes les volontés ! Cherchons à nous rendre service mutuellement ! Aimons nous les uns les autres suivant le beau précepte du Christ ! Que cette parole divine devienne pour nous une réalité vivante et pratiqué ! Le voilà le véritable progrès social. Sachons le comprendre et par cette union dans le travail efforçons nous de faire chaque jour la France pus belle dans un plus solide présent pour un toujours meilleur avenir.
Enfin prions pour nos morts.
Un des doges les plus consolants de notre religion, de cette religion qui a été celle des plus grand hommes de notre pays, de Napoléon, de Pasteur, de Foch, nous enseigne qu’à la mort nous comparaissons devant le Juge Suprême, souverainement juste puisqu’il traite chacun de nous suivant ses mérites, mais aussi souverainement bon puisqu’il se laisse volontiers fléchir par les prières qui lui sont adressées en faveur des défunts. Nous pouvons ainsi avoir une influence favorable sur le sort des morts dans la vie future. Ne manquons pas de leur donner cette suprême et efficace preuve de notre reconnaissance, en particulier lorsque nous visitons ce cimetière !
Fin de glorifier nos morts nous leur faisons l’hommage d’une couronne ; en vue de perpétuer parmi nous leur mémoire, nous avons fait graver leurs noms sur une plaque qui sera apposée sur la croix qui domine le cimetière. Mais ces noms demeureront à jamais gravés dans nos cœurs par notre éternelle reconnaissance : Adieu chers morts ! O vous qui avez si vaillamment combattu le bon combat : dormez en paix en attendant l’heure des récompenses éternelle. Malgré les années, malgré la séparation vous vivrez à jamais dans notre souvenir dans nos affections et c’est avec une admiration attendrie que les générations futures répéteront votre nom.
Discours de M. le Maire d’Ainay le Vieil
Messieurs les Démobilisés,
La fête que nous célébrons aujourd’hui est la fête du Souvenir français et elle évoque tout un passé glorieux. Ce passé est d’hier et personne n’a encore eu le temps d’en oublier les sanglantes tragédies.
Que vous dirai-je de la guerre, à vous Messieurs, qui l’avez vécue, gagnés et le savez beaucoup mieux que moi ?
Je n’ai, hélas, qu’un regret ; celui de n’avoir pas quarante ans de moins parce que cela m’eût permis de prendre rang dans vos vaillantes phalanges et d’avoir, comme chacun de vous, chers démobilisés, contribué à la victoire si chèrement achetée, mais enfon acquise après de surhumains efforts.
Les champs de bataille des plaines de la Belgique et du Nord de la France, ceux de la Marne et de l’Yser notamment, pour ne parler que des premiers, arrosés d’un sang généreux, ont été les témoins de l’intrépides française aux prises avec une barbarie savante, mais inhumaine, féroce, sans scrupule, irrémédiable, parce que manquant d’homme et de munitions, celle-ci n’a eu que la durée de l’éclair et que nous avons su coordonner nos efforts, nous ressaisir, mais il était temps.
Le plus ardent patriotisme a fait ce miracle et il faut rémédier le cours des siècles au moins jusqu’à Jeanne d’Arc pour trouver une analogie. Encore la situation n’était elle pas exactement la même.
Nos héros, et vous êtes du nombre, Messieurs les Démobilisés, l’histoire l’à déjà dit d’ailleurs, ont accompli des prodiges d’endurance et de bravoure, grâce auxquels ils nous ont conservés une France appauvrie, épuisée, meurtrie, mais plus grande.
Malheureusement, il y a des ombres au tableau : la victoire, si âprement disputée, n’a pas eu les suites qu’elle comportait ; ceci est le secret de la politique où nous n’avons que faire.
Tous parmi vous, Messieurs, n’ont pas eu le périlleux honneur d’aller au feu ni même d’occuper des postes dangereux, mais là comme à l’arrière, de Charleroi à Verdun, de l’océan aux Vosges, ce que tout le monde sait que chacun qu’il occupait et cela anonymement, sans forfanterie, mais animé du plus pur patriotisme et d’un courage poussé jusqu’au paroxysme des forces humaines.
Au nom de la Municipalité que je représente et au mien, merci à vous, Messieurs qui, dans la mesure de vos faibles moyens, avez sauvé le pays, plusieurs au prix de cruelles blessures non encore cicatrisées. Merci aussi à vos devanciers, les Vétérans de l’autre guerre qui, en 1870, vous ont donné l’exemple et à tous ceux qui ont bien voulu, à un titre quelconque, s’associer à vous dans cette patriotique et pieuse manifestation de la pensée.
Et vous, jeunes soldats fauchés par la mitraille, vous qui êtes morts glorieusement pour la France et dormez, à l’ombre du drapeau tricolore, l’éternel sommeil loin de vos familles éplorées, vous êtes inscrits en lettres d’or sut la plaque commémorative qui vous désignera, à travers les âges, comme des martyrs, aux générations futures.
Votre mémoire restera profondément gravées dans nos cœurs émus.
Messieurs, inclinons-nous bien bas, respectueusement et avec reconnaissance à la seule évocation des noms de ces fils de France, enfants de notre commune d’Ainay. Sans injustice et sans ingratitude, la postérité ne saurait les oublier.
Au banquet, M. de Cobert a également prononcé le toast suivant :
Avant tout, je tiens à vous remercier de l’honneur que vous m’avez fait en me choisissant pour président de cette fête des Démobilisés qui nous rappelle, les gloires de la victoire ainsi que la joie éprouvée lorsque nous avons déposé l’uniforme pour revenir à notre vie normale.
Je suis heureux d’apercevoir parmi nous plusieurs des anciens soldats de 1870. Honneur à ces vétérans. Lors de nos désastres ils ont sauvé l’honneur des armées françaises. Témoins de la défaites ils ont gardé dans leur cœur et insufflé aux jeunes générations l’espoir des victoires futures. Ils ont donc en quelque manière contribué aux Victoires de la dernière guerre et c’est à juste titre que nous associons aujourd’hui à nos réjouissances ces vieux soldats qui nous auraient certainement donné la victoire autrefois s’ils avaient eu pour chef un Joffre ou un Foch au lieu d’un Bazaine.
Restons unis dans le souvenir de nos morts, dans la fierté de la victoire remportée avec l’aide de Dieu, dans l’œuvre de reconstitution nationale à accomplir, dans l’amour de notre grande patrie la France et notre petite Ainay le Vieil.
Je lève mon verre en l’honneur de la France, de l’Alsace Lorraine, de l’armée française d’hier représentée par nos vétérans de 1870, de l’armée française d’aujourd’hui représentée par vous tous qui m’entourez, de l’armée française de demain représentée par nos jeunes gens des classes 20 et suivantes de la commune d’Ainay le Vieil.
Vive la France ! Vice l’Alsace Lorraine ! Vive l’armée française ! Vive la commune d’Ainay le Vieil.
Source: le nouvelliste du centre du 21 février 1920. Transcription monumentducher1418