Discours...
Discours prononcé par M. Marcel Plaisant, député du Cher, à l’inauguration du monument élevé à la mémoire des Enfants d’Ourouer les Bourdelins, tombés pour la Patrie.
Monsieur le Maire
Mesdames
Messieurs
Quand nous rendons hommage aux enfants tombés pour la Patrie par l’érection d’une stèle sur la place publique, et par cette fréquente assemblée accourue pour évoquer, dans une heure solennelle, l’image des plus chers disparus, nous faisons ainsi comparaître une dernière fois nos soldats, et dans cette commune, où ils ont vécu en travailleurs, et d’où ils sont partis en conscrits, ils reviennent défiler devant les citoyens dans uns sorte de parade suprême qui laisse réfléchir, pour nous, un rayon de la gloire dont resplendit la France toute entière. Rayon de lumière bienheureux, rayon d’orgueil et d’espérance mais qui perce les ombres des angoisses passées et des inconsolables douleurs. Pourtant, dans ces jours où la tradition des familles nous reporte vers tous les morts, il semble que ces morts là, ces morts illustres, se dressent par delà les ténèbres de la tombe, d’élèvent dans un ciel plus serein, se transfigurent dans une vision de légende qui divinise leur souvenir et qui enchante nos âmes.
Si jamais nous pouvions douter que notre génération ait traversé une des plus grandes épreuves qui aient été imposées à la race, cette pierre levée serait là, pour nous-mêmes et pour ceux qui suivront, comme une pierre de l’histoire, proclamant que nous avons dominé la tourmente au pris du sacrifice de ces enfants. Encore que le récit de nos actions éclate aux plus belles pages des annales de l’Europe et atteste, dans toutes les parties du globe, notre fortune des armes, néanmoins cette guerre sort non seulement de l’ordre des choses communes, mais encore de la mesure courante de notre gloire : comparable à la victoire des champs catalauniques, elle laissera le souvenir de l’in de ces grands chocs où la France a servi de bouclier au monde latin devant la ruée des Barbares qui menaçaient notre civilisation, sa vie et ses institutions qui sont la marque de notre aristocratie devant le temps. Contre les Barbares ; comme les désignaient d’un même mot les écrivains de l’antiquité et les penseurs de la France moderne, nos soldats ont sauvé la Patrie en affermissant le règne du droit et de la liberté. Contre les Barbares, nos soldats ont défendu la république en donnant leur vie pour les idées les plus pures et les plus élevées qui anoblissent la dignité de la personne humaine, de telle sorte qu’après avoir été les semeurs, nous avons été les rédempteurs de l’humanité.
Comme la défaite est inscrite au front des rois, par le ministère de notre courage, ainsi vos noms demeureront gravés sur ce monument élevé par la piété servante de l’héroïsme.
Comme votre triomphe a fait tomber et rouler les couronnes, ainsi votre glorieux trépas sera commémoré par le principal ornement qui décore les avenues de votre cité natale.
Et dans ce soir de brumaire, tandis que les vapeurs de la plaine montent vers le coteau d’ourouer, permettez à un ancien compagnon d’arme, d’évoquer des crépuscules semblables, des crépusles de bataille, alors que vous franchissiez les glacis invisibles sous les brouillards, mais l’âme forte, clairvoyante, illuminée de cette foi qui vous a conduit sur la droite voie, à l’ennemi et à la mort.
Les yeux pleins de cette vision, Enfants d’Ourouer les Bourdelins, je m’incline respectueusement devant votre mémoire.
Je Salue vos vertus, orgeuil de la famille, sauvegarde de la Patrie et décor de la République.
Source: L'Avenir du Cher N1877 du 21 novembre 1920. / Transcription Monumentsducher1418