Discours...
Un discours de M. Marcel Plaisant à l’inauguration du Monument aux Morts de Vailly sur Sauldre.
Revenant de Genève où il était Délégué de la France à la Société des Nations, M. Marcel Plaisant, a prononcé le discours suivant :
Mesdames,
Messieurs,
Notre première pensée en approchant au pied de ce monument sera dans l’expression du respect à la mémoire des enfants de Vailly sur Sauldre que nous célébrons aujourd’hui. Tombé pour la France dans un suprême sacrifice, ils ont donné leur souffle périssable pour la vie immortelle de la patrie. L’hommage solennel que vous rendez aujourd’hui à ces héros est le témoignage de reconnaissance publique à l’égard de ceux qui ont fait éclater les plus belles vertus civiques et le signe de l’inconsolable tristesse commune à la cité et aux familles qui ont perdu leur plus florissante jeunesse. Ni les fleurs, ni les paroles, ni les gestes les plus généreux ne peuvent étancher les larmes des mères, mais debout et douloureuses leurs présence est une leçon pour les hommes qui vivent. Ni ce monument, ni ces inscriptions, ne ce fier appareil ne sont assez puissants pour exprimer l’immensité des désastres causés par la fortune ou l’infortune des combats, mais du moins cette pierre érigés sur la place publique doit-elle nous être donnée comme un signe et comme un avertissement perpétuel de l’horreur que nous inspirent la guerre et ses odieuses visions. Représentant du peuple, je n’aurais pas compris le sens de cette cérémonie si je ne l’interprêtais comme votre ardent désir que tout soit mis en œuvre pour le triomphe de la paix. Délégué de la France à la société des Nations, je ne puis pas apporter de plus bel hommage aux mânes invisibles de nos morts que de proclamer les résultats obtenus par les représentants de la République à l’Assemblée des peuples unis dans un sentiment de labeur et de concorde. L’admission de l’Allemagne à Genêve détermine la mise en exécution des traités de Locarno et assure le déclanchement des sanctions de tout ordre par une sorte de gendarmerie de la civilisation contre l’agresseur qui oserait à nouveau troubler la paix de l’Europe. Le Rhin devient un fleuve international garanti par les alliés restés vainqueurs et par les vaincus devenus alliés. Mais ce ne sont là que des bases de départ. La politique de détente restera dans les limbes d’un vœu si elle n’est pas organisée. La position loyale de la France à la Conférence du désarmement, la persévérance et l’éloquence de son représentant M. Paul Boncour démontrent avec éclat que la République propose dès maintenant une date fixe et un programme certain pour une conférence de limitation et de réduction des armements en rapport avec les conditions actuelles de la sécurité régionale et générale. C’est dans le même esprit qu’un autre représentant de la France M. Loucheur eut l’ingénieuse idée de convoquer une conférence économique pour rechercher les causes de trouble et les points de rupture en essayant de faire rentrer les forces économiques sous les lois de l’équilibre. Si la conférence du désarmement appelle la mesure dans les dépenses stériles, la conférence économique exige l’ordonnance dans une production insensée de telle sorte que l’une et l’autre restituent l’harmonie dans un monde pacifié.
Mais si l’entrée du Reich dans l’organisation de Genêve est profitable à la paix, puisqu’ elle augmente le prestige de la Société des Nations qui tend vers l’universalité et si le rapprochement avec l’Allemagne est désirable pour une coopération féconde dans les différents ordres de l’activité, qui croira qu’une telle politique puisse être conduite sans que soient requises des garanties essentielles pour conjurer les menaces en éteignant les sujets de discorde.
Le rapprochement franco-allemand engendré à Thoiry par l’esprit de conciliation arrivera à maturité sous les auspices de la prudence et de la méthode.
Sans compromettre le statut établi par les traités et fortifié par les alliances, encore faut-il ajuster nos ambitions aux capacités de la France, et modeler notre vie nationale aux conditions de l’Europe contemporaine, et à l’idéal que représente dans le monde notre tradition séculaire.
Sans sacrifier rien de nos droits, si la France forte de garanties exceptionnelles créées par des pactes nouveaux peut envisager une politique d’allègement encore faut-il en faire valoir le prix en sachant saisir l’heure, et prendre à temps l’attitude qui augmente la portée et les conséquences d’un régime nouveau.
Source: L'Avenir du Cher du 9 octobre 1926. Transcription Monumentsducher1418