Discours de M. Bonnet, président du ralliment...
M. Bonnet, agent voyer, président du ralliement, parle en « ancien soldat qui a vécu les heures d’illusion et de souffrances, mais aussi d’espérance et de gloire ». Et ces illusion, ces souffrances, ces heures d’espérance, il les dépeint et termes impressionnants à la foule qui l’écoute.
Nous avons tenu, dit-il, jusqu’au dernier battement du cœur. C’est que, les uns et les autres, durant quarante quatre ans, nous avions grandi dans le triste silence de la défaite, avec le culte de la liberté et l’amour de la paix. Aussi le plus obscur d’entre nous sentait dans les profondeurs confuses de la conscience, qu’il fallait faire abnégation et mourir, sans phrases, ou bien se résigner à voir disparaître de l’univers la douceur de vie et ces deux grandes conquêtes du Christianisme et de notre Révolution ; la fraternité et la liberté.
M. Bonnet continue en disant ce que symbolise « cette longue liste, ce monument où sont inscrits, dans l’admirable égalité des champs de mort, le nom des pauvres et des riches. »
Quand nous se serons plus, quand les fils de nos fils s’ennuieront au froid récit de nos souffrances, ce monument se dressera encore et témoignera de la volonté de ces morts qui, selon la parole du philosophe « sont plus nombreux que les vivants et gouvernement les vivants » Cette humble pierre dira qu’il y eût des hommes semblables à des bateliers perdus dans la tempête et dans la nuit opaque, qui ramèrent avec désespérance et quand les premiers rayons de la victoire vinrent les illuminer, le ciel était rouge des reflets du sang des martyrs, des vaillants et des forts, morts pour la France éternelle et la paix du monde.
Le président du Ralliement termine en ces termes :
Mais ce serait une bien grande vanité que de rendre des hommages, que d’élever des monuments aux morts, si nous ne trouvions pas, dans la virile émotion qui nous étreint, dans la méditation sur ceux qui ne sont plus, une leçon pour agir. Mutilé, frère de deux soldats tombés au champ d’honneur, je vous invite, ô mes frères, qui composez cette héroïque phalange des « Gueules cassées », je vous invite, ô messieurs, en la communauté de la grande souffrance, à réaliser les volontés de ceux que nous pleurons ; le salut du pays, la justice et la paix. Justice pour tous ! pour les veuves, les mutilés, les sinistrés aux pensions mal payées, ou menacées ; justice pour la France qui n’a pas obtenu son dû : paix pour la France ! pour l’Europe, pour le monde ! Aujourd’hui, messieurs, nous avons la force et le droit. Demain, nous n’aurons plus que la force et on nous contestera notre droit. Les morts pourraient bien sortir de leur tombeau pour nous demander des comptes. Pressons nous donc de vaincre d’abord les forces obscures du mal et nous pourrons alors admettre généreusement dans notre amitié le peuple vaincu, et pardonné.
Source: La semaine berrichonne, le 18 mai 1922.. Transcription Monumentsducher1418