Discours de M. le maire de Neuilly en Dun...
M. le maire prononça alors le discours suivant :
Monsieur le député, mesdames, messieurs,
Dans ce même cimetière, le 8 avril 1915, j’adressais un dernier adieu à l’un des premiers enfanys de Neuilly en Dun morts au champ d’honneur, et je ne pouvais maîtriser mon émotion. Qu’est ce donc aujourd’hui où je m’oncline bien bas et respectueusement devant les 24 noms qui composeront à jamais notre douloureuse, mais combien glorieuse liste ! Ce sont ces noms qui doivent tout d’abord retenir ici :
Les clairons ouvrent le ban, les poilus présentent les armes
Lecture de la liste
Les clairons ferment le ban.
« Tous ces héros, obscurs parfois, sont environnés aujourd’hui de la même gloire, celle des martyrs de la Patrie. Beaucoup ne dormiront jamais au champ du repos du pays natal, je comprends que cela augmente encore le chagrin de leurs familles. Quelles se consolent un peut en songeant qu’ils ont pour cimetière la France entière pour laquelle ils sont morts. Mais je le dis bien haut, car on l’oublie trop souvent, ils sont morts aussi pour la défense de leur clocher. J’aime à me rappeler cette belle parole : « c’est la cendre des morts qui créa la patrie. Cette définition, en effet, mieux que tout autre, fait de villes et des villages autant de petites patries qui composent la France. Notre éloignement du front nous rend moins présente cette réalité. Rappelons nous cependant qu’en septembre 1913 rien ne semblait devoir arrêter les hordes de barbares vouées pour toujours à la haine de l’humanité, et sans la victoire immortelle de la Marne, Neuilly en Dun aurait pu connaître les horreurs de l’occupation allemande. C’est une victoire qui échappe à la compréhension de nos ennemis ; le général Von Kluck lui-même ne nous cache pas sa stupéfaction ; « Que des hommes, dit il, ayant reculé pendant dix jours, que des hommes à demi morts de fatigue puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est la une chose avec laquelle nous n’avons jamais appris à compter »
Ensuite la vrai victoire, celle dont on rêvait, qu’on espérait toujours, nous l’avons attendue plus de quatre ans. Les morts l’ont payée de leur sang ; ils doivent être éternellement à l’honneur.
Les survivants ont droit à notre plus profonde admiration, ne la leur ménageons pas. Beaucoup, glorieux mutilés, ont laissé sur les champs de bataille une partie de leur vie, une partie d’eux même, ils peuvent compter sur notre dévouement et sur notre reconnaissance.
Pendant ces quatre années interminables, de quelle constance dans le sacrifice ont témoigné nos merveilleux soldats, quelle admirable preuve de ténacité ils ont donnée, nul ne le sait.
Les permissions ne leur furent pas accordées par le haut commandement sans une certaine appréhension. Eh bien ? nos poilus avaient l’âme si bien trempée qu’elles furent au contraire la sauvegarde de leur moral. L’espoir fait vivre, dit un vieux proverbe ; la perspective du prochain départ aidait nos héros à souffrir ; au sortir de ces enfers où tant de braves sont restés, ô fait inouï, ils nous apportaient le réconfort de leur confiance et de leur sérénité. Mais, soyons juste, ils emportaient, eux, le consolant spectacle de l’union sacrée dont ils nous donnaient l’exemple et qui n’a cessé de régner entre tous les Français, union qui nous a fait gagner la guerre et qui doit faire gagner la paix. Dans notre commune nous lui sommes restés fidèles, notre fête d’aujourd’hui en restera la preuve éclatante, et j’ai la conviction intime que je ne préjuge pas de l’avenir en disant que cette union ne causera de régner parmi nous.
Nos adversaires d’hier, nos ennemis de toujours ont mis leur dernier espoir dans l’extension du bolchevisme ; dès 1919, M. de Laucken, secrétaire de M. de Schoein, ancien ambassadeur l’Allemagne à Paris constatait la faillite de leurs armes, et s’écriait ; D’ici à l’automne, nous aurons semé la division parmi les alliés ; 500 Lénine nous coûtent moins cher qu’une journée de bataille !
En face de nos morts, auxquels nous rendons en ce jour un immortel hommage, je vous supplie de faire le serment solennel de suivre fidèlement la voie qu’ils nous ont tracé : concorde, travail, sacrifice pour la grandeur de la France à laquelle ils ont tout donné ! Nous leur devons bien cela, nous le devons aussi à leurs malheureuses familles dont nous ravivons aujourd’hui la douleur. Cette douleur nous la partageons tous et je traduis le sentiment intime de cette superbe assistance en leur disant ; Nous pleurons, nous nous souvenons avec vous.
J’ai terminé la mission que je m’étais assignée. Mais il m’appartient maintenant d’interpréter les remerciements de tous. Ils vont d’abord à M. Marcel Plaisant, ancien combattant, décoré de la croix de guerre, député du Cher, qui a bien voulu prendre quelques heures sur son temps précieux pour venir rehausser du prestige de sa présence notre fête du souvenir et du retour, je lui en exprime toute notre reconnaissance. Ils vont à M. le maire de Sancoins qui nous a très obligeamment prêté mâts et drapeaux Ils vont ensuite à M. le curé, à ses confrères et à M. Pivoteau qui nous ont fait une très imposante et touchante cérémonie, je remercie encore M. Gerbe dont le fin ciseau a gravé à jamais sur le marbre les noms qui doivent se perpétuer de génération en génération. Enfin, je n’aurai garde d’oublier M. l’adjoint, Mlle l’institutrice, M. l’instituteur, notre nouveau chef cantonnier, et toutes les personnes qui n’ont pas ménagé leur peine et ont fait preuve de dévouement à cette occasion, avec une mention toute particulière pour quelques poilus.
Source: L'Avenir du Cher du 18 avril 1920. Transcription Monumentsducher1418