Discours prononcé par André Breton
Mesdames, messieurs,
Bien qu’il puisse paraître y avoir quelques témérités à me vouloir faire l’interprète deshautes pensées gouvernementales, je ne crois pas pourvoir demeurer muet et puisque M. le ministre de l’Hygiène a bien voulu me confier la charge un peu écrasante pour ma faible personnalité de le représenter parmi vous, ne pas tenter d’exprimer les sentiments qu’il s’eût pas manquer de vous manifester plus éloquemment.
M. le ministre de l’hygiène, empêché par mes devoirs de sa charge, n’a pu accepter la présidence effective qui lui avait été offerte. Il représente, aujourd’hui le gouvernement de la république au Congrès national de la mutualité à Angers. Soyer assuré du moins, qu’il ne manquera pas parmi les cérémonies officielles qu’il préside ailleurs, d’adresser vers vous, vers Neuvy et à vos héros ses plus affectueuses pensées.
La cérémonie que vous avez organisée est parmi les plus nobles et les plus émouvantes. Vous avez voulu rendre à vos compatriotes morts pour la défense du Pays le pieux hommage de gratitude qui leur était du et vous l’avez fait sans souffrir ???
Pour chacun d’entre vous, ce sera le vivant souvenir de la dure épreuve que vous avez traversée. Ce sera à vos yeux, le fils affectueux, ou l’époux bien aimé ou le frère valeureux ou l’ami de toujours qu’il représentera et dont il demeurera l’impérissable glorification
Vous les avez tous connus ces grands disparus si chers à notre mémoire. Vous vous souvenez de vos compagnons d’armes, soldats d’hier, vous vous rappelez l’enfant qui sautait sir vos genoux grands pères aux derniers jours attristés, vous revoyez encore le chef de famille au labeur incessant, veuves inconsolées. A tous, dans l’ardente ferveur de vos âmes meurtries vous adressez votre hommage d’admiration sans réserve et d’affectueuse gratitude.
La gloire leur est à jamais acquise et leur linceul en est tout illuminé. Mais la pieuse commémoration de leur sacrifice, la vénération recueillie dont nous entourons leur souvenir ne saurait suffire à tous ceux que notre mémoire fait revivre, à ceux que nous sentons encore tout près de nous, parmi nous, avec nous.
La gloire, le plus souvent était absente de leur pensée lorsqu’ils tombaient au combat ; ce qui les animait n’était-ce pas cette volonté ferme, réfléchie et tenace de défendre coûte que coûte la petite maisonnette où vivait leur famille, d’écarter à jamais la menace de l’envahisseur félon, et d’éloigner pour toujours le retour d’une tourmente analogue à celle qu’ils vivaient. C’est à la guerre elle-même qu’ils s’attaquaient et dont ils voulaient définitivement libérer leurs enfants.
Leur leçon est là qui nous est le plus douloureux et le plus précieux des exemples.
Par la lutte pour la garantie de nos libertés si chèrement acquises et par la défense des droits humains, ils nous enseignent nos devoirs.
La sauvegarde de leurs enquêtes toutes bienfaisantes et sans la moindre trace d’un impérialisme nous incombe. A nous le maintien de ces droits dont ils ont assuré le triomphe sur la force brutale, à nous de veiller à l’intangibilité du patrimoine sacré qu’ils nous ont légué.
« La route du progrès c’est le chemin des tombes » a clamé Hugo. Nous le sentons bien aujourd’hui le lorsque le vieux monde paraîtra un jour plus clair et meilleur sous le soleil, nous le savons, ce mieux être sera fait des souffrances qu’ils endurèrent et du sacrifice qu’ils consentirent.
Glorieuses cohortes des jeunes gens morts pour le pays, pour le droit, la liberté et la justice, votre rôle si grand n’est pas terminé, par le souvenir ; votre présence continuelle nous assure de mieux connaître nos devoirs demain, aux grandes décisions que nous aurons à prendre, votre vivante mémoire saura nous guider, vous nous conseillerez encore. Valeureux héros de la guerre, vous demeurerez avec nous.
Source: L'Avenir du Cher N1874 du .31 octobre 1920 / transcription Monumentsducher1418