Discours de M. Plaisant...
Discours prononcé par M. Marcel Plaisant, député du Cher, à Neuvy sur Barangeon à l’inauguration du monument aux enfants de la commune morts pour la Patrie.
Monsieurs le maire, Messieurs,
Aux enfants de Neuvy sur Barangeon tombés pour la France pendant cette guerre, vous avez entendu élever ce monument, pour laisser à la postérité le témoignage de la blessure qu’a souffert la commune par la perte de ces jeunes énergies qui constituaient le meilleur de sa force, et pour traduire à la mémoire de ceux qui passent dans la vie, le souvenir impérissable de ceux qui demeurent, dans le temps, et malgré la mort , par éclat de la raison qui a consommé leur sacrifice. En invitant votre représentant à cette consécration solennelle, votre conseil municipal et ses magistrats que nous remercions de tout cœur, ont certainement voulu marquer que la parole d’un interprète de la souveraineté populaire était désirable afin de célébrer ces héros qui ont donné leur souffle pour la perpétuité de la république et pour la sauvegarde des idées qui dominent notre richesse collective. Ensemble nous élèverons donc un hymne de reconnaissance en l’honneur de ces soldats à qui nous devons tout.
Leur modeste origine aboutissant à cette auguste destinée, la misère et les horreurs de leur dure servitude des armes illuminées par les plus nobles qualités morales, cette suite implacable de déboires et d’angoisses que rompt soudain leur foi opiniâtre et l’élan irrésistible de leur courage, enfin la grandiose et touchante simplicité des batailles mais sous l’éblouissante beauté de leur héroïsme, tels sont les contrastes dont est faire notre victoire, la victoire de ces enfants, qui la teignent de la pourpre de leur sang, et de l’or de leur gloire.
Ils ne sont plus, mais cette pierre est là, avec leurs noms. Elevée par ceux qui restent ; elle proclame le culte des vertus qui ont formé ces soldats pour les travaux de la guerre ; elle doit attester la passion des mêmes vertus chez les citoyens dans les œuvres de la paix.
Ombres légères de nos morts, ombres invisibles et protectrice qui enveloppez cette inscription gravée par les soins de la piété et de la reconnaissance, si nous étions venus ici que pour la pompe d’une cérémonie et pour le bruit des vaines paroles, serions nous sûrs de vous avoir apaisés par cette invocation, alors que le prix de notre holocauste consenti pour le salut de la Patrie doit continuellement ??? rieuse de nos devoirs, et que les exemples de votre foi et de votre soumission doivent être portés devant nous comme des enseignes pour nous entraîner sur la voie ardue que la France traverse dans ses années de résurrection, en dépit des épreuves de ses alliances, et de la duplicité de ses ennemis vaincus.
Ve n’est rien que d’avoir hérité d’un territoire agrandi et sanctifié par les réparations du droit, ce n’est rien que d’avoir justifié encore une fois, devant le monde et par l’action, le prestige qui auréole notre dévouement à la liberté et à l’indépendance, ce n’est rien que d’avoir augmenté le rayonnement des idées que nous avons créées par révolutions et ??? Aux étincelles de notre génie, si nous n’apportons pas au lendemain de la victoire des résolutions viriles pour imposer l’exécution intégrale du traité de paix, une énergie infrangible, afin d’assurer au bénéfice de tous la reconstruction du pays et l’équilibre des forces de la république.
Vis-à-vis de nos adversaires d’hier, pour déjouer leur perfide et contraindre leur résistance, c’est au gouvernement de faire son devoir ainsi qu’au pouvoir législatif qui le surveille et qui le contrôle en votre nom. Comme l’a dit M. Taymond Poincaré :
« L’essentiel est de s’en tenir aux conventions, de fixer la créance de l’Allemagne sans se laisser émouvoir ni par les menaces ni par les jérémiades, et de prendre ensuite, s’il faut, pour assurer le payement régulier, des sanctions et des gages. »
Si nous voulons dominer les difficultés économiques et rendre au pays sa prospérité, s’est à nous même à remplir notre propre devoir ; c’est en nous que réside notre salut. Les impôts nouveaux librement acceptés, malgré leur lourde charge, ont montré la mesure des sacrifices financiers que peuvent consentir les citoyens. En ce moment même, l’état adresse un nouvel appel à notre patriotisme en nous demandant de souscrire à l’emprunt. Il est indispensable, pour diminuer la circulation fiduciaire, pour mettre un frein à la hausse des prix, pour améliorer le change de notre monnaie à l’étranger, en un mot, pour cristalliser notre crédit devant le monde.
L’emprunt est indispensable pour soutenir tous les artisans de la reconstruction nationale. La terre travaillée et emblavée, grâce aux ressources inépuisables du labeur paysan, les usines transformées et remises en marche, le chiffre des exportations en progression croissante, sont des témoignages indéniables de notre volonté de vivre. Encore doit-on aider l’état par l’appoint de tous les capitaux disponibles.
Il ne nous a pas paru inutile d’affirmer cette volonté devant le monument élevé à ces morts auxquels nous devons la vie. Dans l’instant où les ténèbres sont descendues sur leur regard, la suprême pensée qui a rempli leur âme était celle d’un don total à la Patrie ; leur muette exhortation, aujourd’hui fixée par cette pierre éloquente, prend pour nous la valeur d’une leçon perpétuelle ; elle nous enseigne que les garanties de bonheur dans la vie sociale sont inséparables des idées de sacrifice, d’harmonie et de solidarité.
Marcel Plaisant
Source: L'Avenir du Cher N1874 du .31 octobre 1920 Transciption Monumentsducher1418