Inauguration de la plaque...
Fête des poilus.
Dimanche dernier, la municipalité a organisé, de concert avec quelques habitants de Cornusse, un jour inoubliable et sans précédent.
Le matin, à 10 heures, réunion à la mairie de tous les démobilisés, au nombre de 70, qui, sur quatre rangs, et ayant à leur tête le Conseil municipal et tous les enfants des écoles, se sont rendus à l’église, précédés du drapeau accompagné de deux couronnes, portées chacune par deux démobilisés et deux jeunes filles, pour assister à la messe solennelle dite en mémoire de nos morts pour la France.
A cet office, M. le curé doyen de Nérondes, nous a fait un très beau discours enflammé, qui restera certainement très longtemps gravé dans la mémoire des assistants. Ah ! que de belle affluence dans notre église, et les jeunes filles, qui ont bien voulu nous prêter leur concours pour chanter cette messe dans une entente parfaite, ont reçu de nombreuses marques de sympathie de la part des poilus et des personnes présentes.
La messe finie, tout le monde s’est rendu au cimetière en procession, entre deux allées de sapins fleuris par la jeunesse du pays.
Là, M. le Curé a béni les couronnes et la plaque de marbre sur laquelle sont gravés à tout jamais, les 21 noms de nos glorieux « Morts pour la France ».
Après la bénédiction, M. le Maire a prononcé le discours suivant :
Mesdames,
Messieurs,
Au nom de mon Conseil municipal, ici présent, je dois faire cette déclaration, que la cérémonie d’aujourd’hui n’est que le prélude de ce que nous avons promis de faire, dès que nous le permettront les circonstances.
Nous avons gravé que cette plaque les noms des 21 morts pour la France. Quel chiffre formidable pour notre petite commune ! Quelle terrible contribution imposée à notre pays !
Ils étaient partis pleins de confiance dans la Victoire, pleins d’espoir dans le retour, mais le destin ne l’a pas voulu ainsi, et un jour leurs restes seulement nous reviendront.
Aussi, Messieurs du Conseil, quand je regarde ces pauvres petits orphelins, privés à tout jamais de leur soutien le plus cher, je ne puis m’empêcher de songer aux terribles souffrances morales qu’ont dû endurer nos pauvres camarades, quand, sur leur lit de mort, ils voyaient passer devant leurs yeux l’image de leur père ou de leur mère, de leur femme, de leurs enfants, ces pauvres petits que l’on aime tant.
C’est pourquoi, Messieurs, dans nos décisions comme dans nos actes à leur sujet, je vous demanderai de ne pas oublier les sacrifices de nos héros. Nous n’avons d’ailleurs pas le droit de l’oublier !
A vous, mes chers amis, les démobilisés, qui avez gagné la guerre, je vous demanderai de conserver dans la paix, dans cette paix qui vous a coûté si cher, l’union, la concorde et la fraternité qui faisaient votre force invincible lorsque, groupés dans les tranchées, vous faisiez face à l’ennemi.
Je n’ajouterai rien au si beau discours que vient de nous prononcer M. le doyen de Nérondes, qui a bien voulu venir assister M. Le Curé pour rehausser l’éclat de cette si belle et si touchante cérémonie. Je les remercie bien sincèrement.
Je dois signaler aussi le plaisir tout particulier que nous éprouvons tous, de voir à nos côtés, aujourd’hui, notre tout dévoué conseiller général M. le vicomte de Gourcuff, qui marque ainsi, une fois de plus, l’amitié qu’il porte aux habitants de notre commune. Cela, Monsieur le Vicomte, nous ne l’oublierons pas !!
Merci aussi à MM. Les Membres du Conseil municipal, que je vois réuni ici.
Merci à M. l’Instituteur et à Mlle l’Institutrice d’avoir bien voulu faire participer à cette fête leurs élèves, nos enfants.
Merci à tous nos poilus d’être venus en si grand nombre commémorer le souvenir de leurs camarades. Merci aussi à toutes les personnes présentes ici, ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont bien voulu nous prêter leur concours pour l’organisation de la fête d’aujourd’hui.
Merci enfin à tous ceux qui par leur belle générosité, nous ont permis d’acheter cette couronne et cette plaque, qui nous rappelleront, dans l’avenir, le souvenir de nos chers disparus, à jamais immortels…
Aussitôt après, notre conseiller général, qui avait bien voulu accepter de présider la fête, en qualité d’ancien mobilisé, a voulu, lui aussi, en quelques paroles très émues et très écoutées, rappeler aux poilus, revenus de tant de misères, que si leurs camarades étaient morts, c’était pour une plus grande France, plus forte, plus libre, les engageant à ne pas oublier le nom de ceux qui se sont sacrifiés pour Elle. La recommandation sera entendue.
Puis notre plus élevé en grade, M. Brunet Aimé, ancien lieutenant d’artillerie, a retracé les terribles épreuves du 8° corps, où presque tous les Cornussiens étaient mobilisés. En Belgique, et à la Marne, à l’Yser comme à Verdun, en Champagne comme en Alsace, partout le 8° corps a fait son devoir, partout la misère, la souffrance, l’avance et le recul, pour finir, après quatre années par remporter cette brillante victoire qui est la paix actuelle.
Il a demandé aussi à ce que le sacrifice de nos morts ne soit pas vain, et que leur nom gravé sur le marbre reste à jamais gravé dans tous les cœurs ; cette fête est la digne commémoration de leur dévouement.
Très beau discours, et qui a fait couler bien des larmes des petits et des grands. Puis, sur quelques mors très touchants de reconnaissance en l’honneur de nos morts, prononcés par M. le Curé, tout le monde s’est réuni en procession jusqu’à l’église, où a eu lieu la dislocation du cortège.
Après ces hommages à nos héros, un apéritif à l’hôtel Lagrange, a réuni tous les poilus. On a bu à la paix heureuse et durable.
Ensuite, son s’est rendu à l’hôtel Soulat, où un déjeuner de 80 couverts était servi. Là, nous avons eu l’agréable surprise d’être décorés par quatre charmantes et agréables jeunes Cornussiennes, habiles, en République, Alsacienne, Lorraine et Berrichonne. Au dehors, 300 personnes les acclamaient de leur bon goût.
Enfin, à six heures, les musiciens sont venus chercher les poilus pour les conduire au café Jacquelin, où se faisait le bal, qui a duré jusqu’à six heures du matin. Souper à minuit, sous forme de lunch offert par les jeunes gens à leurs jolies et aimables cavalières.
Tout s’est passé le plus parfaitement possible, dans l’ordre, le calme et la camaraderie la plus absolue. C’est que les Cornussiens savent bien faire organiser les fêtes et leur donner toute la beauté et la splendeur voulues, car ils sont tous unis par une camaraderie, sui dure depuis de longues années.
C’est une grande famille que notre commune.
Un assistant
Source: Le Journal du Cher du 19 février 1920 - Transcription Monumentsducher1418