Inauguration...
Fête des démobilisés
La fête de la commune d’Ignol a été présidée par M. Marcel Plaisant, député du Cher, et s’est déroulée dimanche dernier.
A 10 heures, lors de l’inauguration de la plaque commémorative des morts de la Guerre au cimetière d’Ignol, M. Plaisant a prononcé l’allocution suivante :
Mesdames, Messieurs,
En inscrivant sur le marbre les noms de ceux d’Ignol qui sont tombés pour la Patrie, nous avons voulu rendre visible dans la majesté de la mort, le témoignage de la reconnaissance publique à l’égard frs soldats qui ont sauvé tous les biens qui assurent la vie, et le patrimoine moral qui couronne la dignité humaine de son incomparable éclat.
Devant la grandeur de leur œuvre, devant la noblesse de leur sacrifice, devant la souveraine beauté qui nimbe leurs fronts glorieux, il semble que jamais nos hommages ne seront assez ardents, jamais la piété de notre souvenir ou de nos paroles ne s’élèvera jusqu’à la mesure de ces héros.
Et pourtant au milieu de ce champ de repos qui reçoit les marques d’un culte familier, nous avons voulu que, loin par leurs corps ils demeurassent quand même, par un signe, présent à notre mémoire.
Soldat illustres, c’est que, dans votre immortalité, vous avez une double vie !
Là bas dans les champs de bataille où flotte encore, à la splendeur du crépuscule, un lambeau de la pourpre des combats, votre chair reste mêlée à la terre pour la consacrer dans une sanglante et perpétuelle communion de la France et de ses fils ; ici, où vos noms sont gravés dans la pierre, vous rappelez votre holocauste aux vivants, à nous tous qui jouissons de ce que vous nous avez légué, et la vertu des morts nous a gardé ces choses qui ne meurent pas : la patrie et la liberté ».
A midi, un banquet qui réunissait tous les démobilisé de la commune d’Ignol, M. Marcel Plaisant a prononcé le discours suivant :
Monsieur le Maire,
Mes chers amis.
Je vous remercie de m’avoir accordé l’honneur d’être au milieu de vous pour cette fête des démobilisés Ignol et les environs de la Feuillouse sont unis dans mon âme aux souvenirs les plus émouvants de cette longue guerre ; c’est ici dans la commune que j’ai reçu un ordre de mobilisation pour rejoindre mon régiment à la frontière ; c’est ici que j’ai connue la douceur des derniers adieux avant les images tragiques qui devaient bientôt hanter nos marches et nos veilles.
Si nous sommes réunis pour célébrer le retour dans nos foyers c’est parce que nous avons conscience que les épreuves subies en commun nous ont forgé des cœurs vaillants à la même enclume, et que le partage des petites joies et des grandes souffrances a créé parmi les hommes de guerre une véritable fraternité.
Si heureux et si pleins que soient les temps que vous réserve la destinée, vous n’oublierez jamais cette époque de gloire de misère de ténèbres et d’éclat, où l’œuvre se dressait tous les jours aussi grande et inexorable devant votre courage, où vous n’aviez le soin de conserver votre vie que pour en renouveler le perpétuel sacrifice. Sombres défilés du bois d’Ailly, plaines lugubres de la champagne dévastée, tranchées noyées de l’Artois et des Flandres, sinistres côtes de Verdun hachées par la mitraille, et tant d’autres batailles encore, car où les braves berrichons du 95ème du 85ème du 13ème d’infanterie, du 1er du 37ème d’artillerie et de bien d’autres régiments, n’ont-ils pas versé leur sang ? Horribles visions qui s’estompent maintenant parmi les images voilées de la mémoire, vous restez quand même dans l’esprit du combattant, les souvenirs d’une période de l’existence de la collectivité où chacun recevait tous les jours de son compagnon d’armes les plus belles leçons de dévouement et d’abnégation. Et c’est là, les chers amis ce qui fait votre titre de noblesse que j’ai l’orgueil de proclamer à ce banquet.
De cette longue campagne vous avez rapporté, avec une gloire impérissable, la connaissance de vous-même et de vos vertus. L’opiniâtreté, la résistance farouche à la peine, qui faisaient l’excellence des divisions berrichonnes, ces puissantes qualités de la race, dont vous avez toute la force, doivent servir dans les œuvres de la Paix.
De graves paroles ne conviennent guère à cette table où je vous vois si heureux et si confiants au lendemain de la tempête. Pourtant j’aime à répéter que le travaille des campagnes, qui a été le premier soldat de la guerre sera le premier ouvrier de la paix. C’est votre silencieux labeur que la France attend ses réparations durables ; comme la victoire est sortie de vos bras vigoureux et de votre sang, ainsi la prospérité naîtra de nos moissons généreuses.
A côté de ses tristesses la guerre aura donc eu aussi ses grandes semailles morales qui font fructifier parmi les enfants de la patrie victorieuse, la confiance, la claire vision de leurs facultés, enfin ce sentiment auguste de la solidarité qui domine aujourd’hui la société des hommes.
Mes chers amis, je lève mon verre en l’honneur de nos souvenirs commun, je bois à votre jeunesse et à votre bonheur. »
Source: L'Avenir du Cher du 8 février 1920. Transcription Monumentsducher1418