Inauguration...
N°25 du 18 juin 1921
Saint Satur.
Inauguration du monument aux morts. Dimanche dernier a eu lieu, à Saint Satur, l’inauguration du monument élevé à la mémoire des enfants de la commune morts pour la France.
Deux cérémonie ont eu lieu : la première dans la matinée, la cérémonie religieuse ; la seconde dans l’après midi, la cérémonie officielle.
La première a donné lieu à un incident qui a été fort commenté à Saint Satur.
Dans la semaine précédant l’inauguration une pétition signée de la grande majorité des parents qui ont perdu un des leurs à la guerre, et demandant que le clergé fut autorisé à aller en procession bénir le monument fut remise à la municipalité. Celle-ci acquiesça à ce désir très légitime, sous condition que cette cérémonie, purement religieuse, aurait lieu le matin, pour ne pas se confondre avec la cérémonie officielle.
Tout alla bien jusqu’au dimanche matin. Une messe solennelle, à laquelle assistait une nombreuse population, eut lieu et M. l’abbé Jahan, prêtre venu pour la circonstance, prononça en chaire un sermon patriotique qui fut très écouté.
A l’issue de la messe, un cortège se forma qui se rendit au cimetière à l’entrée duquel le monument a été édifié.
C’est ici que se produisit l’incident.
Le monument, en effet, avait été recouvert d’une toile et M. le Maire avait dépêché deux gardes champêtres avec l’ordre d’empêcher qu’on enlevât ladite toile.
M. le Maire de Saint Satur, mal conseillé en la circonstance, avait sans nul doute voulu revenir sur l’autorisation qu’il avait donnée, de laisser précéder à la bénédiction du monument.
Mais les gens de Saint Satur ne sont pas habitués à se laisser brimer de cette façon et, en deux gestes, les gardes champêtres, qui ne firent d’ailleurs aucune résistance, furent écartés et la toile qui cachait le monument enlevée.
Le monument est à nous, dirent-ils, il a été élevé à la mémoire de nos morts, par conséquent nous avons le droit de faire ce que nous voulons.
La cérémonie continua sans autre incident et, seul, le geste de M. Marcellin fut apprécié avec sérénité par ses commettants.
L’après midi se déroula la cérémonie officielle. Un cortège partit à 3 heures de la Place de la Mairie pour se rendre au cimetière. Il comprenait les enfants des écoles conduits par leurs maîtres et maîtresses, la subdivision des sapeurs-pompiers, qui ouvrait la marche, les sociétés de corporatives de la commune, une délégation des sections de Vétérans de Sancerre et de Pouilly. Venaient ensuite les membres du comité d’Initiative, la municipalité et les membres du Conseil Municipal, M. le Sous-Préfet de Sancerre, M. le commandant Le Néant, commandant le centre d’aérostation de Cosne, et les membres du parlement et autres élus invités par la municipalité.
Au cimetière, les sociétés se groupèrent autour du monument, et le voile qui avait été remis sur celui-ci fut enlevé.
Le monument se compose d’une France, coiffée du bonnet phrygien et tenant un glaive en mains. Cette statue qui est coulée dans l’airain, est adossée à une pierre rectangulaire portant à son fronton ces mots : « Aux enfants de la commune de Saint-Satur morts pour la Patrie ». Sur le soubassement est fixée une plaque de marbre sur laquelle sont gravés les noms des héros.
M. Paul Lesimple, président du Comité prend le premier la parole pour remettre le monument à la Municipalité. Il exprime ainsi : Discours de M. Lesimple
M. Marcellin, maire de Saint-Satur, répond par quelques morts de remerciement et exprime à son tour la gratitude que nous devons avoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que la France vive.
C’est ensuite le tour de nos représentants au Parlement : M. Mauger, sénateur, M. Pajot, qui oubliant l’endroit où il se trouve, vient rappeler ses luttes politiques d’autrefois ; M. Valude, député, qui a de magnifiques accents pour dire la gloire de nos morts et M. Plaisant, député, qui s’exprime en ces termes :
La série des discours est close par M. le Sous-Préfet de Sancerre.
Après avoir dit que nous ne saurions nous lasser d’entendre et de répéter les paroles qui ont pour but de glorifier nos vaillants soldats tombés sur le champ de bataille, il fait un parallèle entre la France écrasée sous le poids du Traité de Francfort, inquiète en présence d’une Allemagne menaçante, et la France victorieuse, qui, malgré les difficultés de l’heure présente, peut se dresser la tête haute au milieu des nations et attendre avec calme les conditions de paix que seuls les sentiments de justice lui ont fait dicter.
Il rend hommage à nos morts par le sacrifice desquels non seulement notre sol, mais aussi le monde et la civilisation ont été sauvé.
S’adressant ensuite à ceux qui restent, il demande aux vivants de savoir vivre pour la France, comme nos héros ont su mourir pour elle.
Enfin, se trouvant vers le monument qui symbolise la France, M. le Sous-Préfet évoque l’image de la Semeuse habituée aux travaux paisibles des champs qui a du piétiné la boue des tranchées. Il rappelle les époques saillantes de notre histoire et comprend dans une même pensée les Paladins de Charlemagne, les soldats de Jeanne d’Arc, les enfants de la Première République et les héros de la contemporaine épopée « qui furent bien plus grands encore de n’avoir pas su qu’ils étaient grands. »
Ce discours est très applaudi, comme l’ont été ceux des précédents orateurs.
Le cortège se reforme et regagne la place de la Mairie où a lieu la dislocation.
Source: Le Journal de Sancerre du 18 juin 1921. Transcription Monumentsducher1418