Discours de M. Plaisant.
Discours de M. Plaisant.
Mesdames,
Monsieur le Maire,
Messieurs,
Célébrons aujourd’hui, nous qui les avons connus, l’incomparable héroïsme des soldats morts pour la Patrie ; laissons voir, si nous le pouvons, la simplicité de leur courage qui était éclatant dans leurs cœurs mais qui voulait rester obscur dans l’action ; répétons qu’ils étaient généreux, ardents et magnifiques, que la passion de la justice rendait plus belle encore la flamme de ces âme s : et nous n’aurons rien dit de plus que les raisons de notre amour, et la postérité jugera que nos paroles sont trop faibles devant ce monument qui réclame des enfants de Dun-sur-Auron, la gloire immortelle.
Mais cette éblouissante renommée empruntée aux travaux de la guerre est faite de deuil et de sang. Dans l’enthousiasme de la victoire, pour que le droit triomphe, pour que la France soit sauvée de la servitude et de l’opprobre, pour que les lauriers couronnent les enseignes de la République, il a fallu que des jeunes hommes meurent, que des femmes et des orphelins pleurent. Ne l’oublions jamais : mesurons la grandeur de cette perte ; saluons cette auguste souffrance.
En découvrant le voile de cette pierre l’anniversaire du jour où le vaste silence de la paix est tombé sur ces champs de carnage où triomphe la mort, je vous félicite Monsieur le Maire d’avoir si bien senti la concordance entre la destinée de ces enfants et la perfection de leur œuvre. A tous ceux qui nous entourent pour venir rendre hommage à ces héros de l’humanité, nous pouvons dire en reprenant les paroles de l’orateur : « Venez vois dans un même objet la fin de ces desseins et le commencement de nos espérances ; venez voir tout ensemble la dissolution et le renouvellement de votre être ; venez voir le triomphe de la vie dans la victoire de la mort. »
Mais tandis que nous évoquons le souvenir des nobles sacrifiés qui, ce soir-là, ont ajouté des étoiles au ciel de la patrie, comment ne pas être oppressé par le sentiment du devoir qui reste à remplir, comment ne pas dire que nous avons encore une victoire à remporter sur ls forces mauvaises, une victoire sur l’Europe, une victoire sur nous-mêmes : la victoire de la paix. A la Société des Nations qui vient de se réunir à Genève, aucun peuple n’a dépensé des efforts plus persistants et plus utiles que ceux de la France pour l’œuvre de la paix, parce qu’aucun peuple au monde n’yu est plus intéressé à raison de la modestie de ses moyens devant la majesté du patrimoine intellectuel qu’il doit défendre. Ce sont les représentants de la République qui ont affirmé que le désarmement moral était la condition du désarmement matériel ; ce sont les représentants de la République qui ont proposé un programme de réduction méthodique des armements. Mais l’assemblée de la Société des Nations reconnaissante vis-à-vis de la France, consciente de ses blessures et de l’abnégation de ses fils a affirmé que du paiement des réparations dans nos régions dévastées et du règlement des dettes interalliées dépendait le rétablissement de la confiance mutuelle que désirent les peuples dans un élan de concorde et de fraternité.
Ah ! sur ce bronze, vous avez gravé les âges à venir : « La victoire en chantant leu ouvre la carrière ».
Oui, dans le désordre du combat, dans une ivresse sublime, le premier qui s’engage dans la carrière, c’est le soldat : il court vers la mort.
Mais les invisibles qui suivent, ce sont les citoyens ; dans l’ordre dominé par la solidarité sociale, dans le monde nouveau pacifié sous les auspices de la République, les hommes marchent ; ils courent vers la vie, vers la beauté.
Source: La Dépêche du Berry des 13 et 14 novembre 1922. -Transcription Monumentsducher1418