Discours de M. Blandin
Mesdames
Messieurs
Mes chers petits Enfants,
La commune de La Guerche, tout entière, est aujourd’hui réunie autour de ce monument, pour rendre un pieux hommage à la mémoire de ses Enfants morts pour la France, honorer leur souvenir en témoignage d’admiration et de reconnaissance et pour donner à leurs familles une marque d’affectueuse sympathie et de respect.
Nous ne redirons jamais assez ce que nous devons de tendresse et de gratitude à ceux qui ont tout sacrifié à la plus noble des causes ; la défense du foyer, la défense de notre Pays, Nous n’exalterons jamais assez nos Guerchois tombés sur les champs de bataille ou décédés dans les hôpitaux des suites de blessures ou de maladies contractées à la Guerre.
Elevons nos pensées vers eux. Moins heureux que nous, ils sont tombés là-bas, à Verdun, Alsace, marne, Somme, Champagne, Argonne, Aisne, Yser sont autant d’endroits tristement célèbres qu’ils ont arrosé de leur sang.
Et voilà qu’en présence de ce monument devant ces 134 noms gravés dans le marbres, un immense sentiment de pitié s’empare de nous, réveille en notre mémoire les plus terribles souvenirs de l’effroyable guerre, évoque nos angoisses et nos souffrances communes, et par-dessus tout le sacrifice de nos soldats.
Héros de la Grande Guerre ; Nobles et vaillants enfants de la Guerche ; je vous salue !
Qui ne nous a oublié les dernières journées de juillet 1914, où impuissants et inquiets nous assistions à la lente agonie de la paix.
Soudain, l’ordre est arrivé, l’affiche placardée à la Mairie. Le tocsin se répercute de village en village ; et bientôt, les uns avec l’ardeur de la jeunesse, les autres avec le ferme courage de la maturité, les parents avec la résignation réfléchie du devoir, tous avec le même cœur nous avons répondu à l’appel de la France et nous nous sommes dressés devant l’agresseur.
Pendant plus de 4 ans dans le fièvre ou dans la monotone attente des tranchées, tous étroitement unis à quelque degré de la Société que nous appartenions, nous avons lutté, nous avons souffert.
Souvent le hasard des affections nous amis coude à coude dans la lutte et fraternellement nous nous sommes soutenus et aidés !
Quelquefois reconnaissant un Guerchois dans la rapidité d’une relève, sous le bombardement, nous ne pouvions même pas crier notre joie : et je vois encore un des nôtres, en Alsace, au moment de s’élancer à l’attaque du 18 juin 1915, échanger avec moi un regard où toutes nos souffrances, toutes nos craintes, tous nos souvenirs, tout notre amour du foyer se lisaient ardemment. Attirés l’un vers l’autre nous nous sommes embrassés !
Je ne devais plus le revoir.
Avec la précision des invraisemblables réalités vécues là-bas, par notre génération, tous ces souvenirs de la lutte se précisent douloureusement dans mon cœur. Comment ne pas évoquer les corps à corps effroyables dans la boue et dans la nuit, les massacres sauvages couteau, à la grenade, toutes les horreurs du fer et du feu, les gaz, cette monstrueuse invention, aussi cruelle que barbare, tous les moyens de carnage et de mort, et la force surhumaine qui a triomphé de toutes les souffrances et de tous les périls : la valeur et la bravoure de nos poilus !
Tombés dans le fracas des batailles ou dans la misère de l’hôpital, ils jalonnent le front de la mer du Nord aux Vosges. Ils n’ont pas eu la joie de réaliser leur destin de vainqueurs ! Il ont sauvé la France et ils ont préparé un avenir qu’ils nous ont confié. Nous ne devons pas seulement les honorer par des paroles ou en gravant leurs noms sur le marbre. Ils réclament de nous d’autres hommages. Ils nous recommandent l’union, cette union qui a fait notre force pendant la guerre et qui doit faire notre force pendant la paix.
Pour le plus grand bien de notre Pays nous devons continuer à nous aimer, à nous entraider, à nous secourir les uns les autres, à vivre fraternellement comme nous le faisions là-bas. Plus de guerre surtout, plus de guerre jamais ! Voilà ce qu’ils nous demandent nos chers morts.
Plusieurs d’entre eux ramenés du front dorment maintenant dans nos cimetières. Les restes de beaucoup d’autre encore sont attendus et reposeront bientôt près de nous. Puisse ce rapprochement être un adoucissement aux chagrins des leurs.
Malheureusement, nombreux sont ceux qui ne reviendront jamais et n’auront pas le suprême consolation de dormir l’éternel sommeil dans la terre qui les a vus naître. A ceux là j’envoie l’expression de nos plus affectueuses pensées.
Devant ce monument du Souvenir qui symbolise l’héroïsme des enfants de La Guerche, où les noms de ces martyrs sont gravés pour perpétuer à jamais leur mémoire parmi les génération actuelles et futures, devant les vaillant mutilés et réformés, en présence des anciens Combattants de la grande guerre et de leurs ainés les vétérans de 70-71, en gageons-nous à être dignes de leur sacrifice, à garder leur souvenir profondément gravé dans nos cœurs, à rester forts par notre union et à travailler dans la concorde et la solidarité à la postérité et à la grandeur de notre Pays. En agissant ainsi nous donnerons l’essor à une œuvre vigoureuse de Paix, de justice, de tolérance et de bonté.
Souhaitons surtout que la mort de tant d’être cher ne soit pas inutile et ouvre enfin les yeux et les sens à l’humanité tout entière qui, flétrissant la guerre, poursuivra son chemin sur les routes du progrès, et ne s’en laissera plus détournée par les haines de races ou par des ambitions malsaines.
Ceci dit, je salue respectueusement les familles si cruellement éprouvées : les pères, les mères, les veuves, les enfants, les frères et les sœurs ; qu’ils reçoivent ici l’expression émue des sympathies unanimes de toute la population.
Les enfants surtout doivent être l’objet constant de notre sollicitude, à leur égard la dette du Pays est sacrée, car celui qui devait être leur guide et leur soutien, a fait le sacrifice de sa vie pour la France, qui ne les abandonnera pas et leur confère le titre de pupille de la Nation.
Je remercie MM. Les Maires et les personnalités des Communes environnantes, d’avoir bien voulu honorer de leur présence cette manifestation du Souvenir et de la Reconnaissance.
Je remercie MM. Les Conseiller Municipaux et MM. Les Membres du Comité du Monument, pour l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée en toutes circonstances. J’adresse mes plus chaleureux remerciements aux généreux donateurs et à tous les habitants de La Guerche qui ont contribué par leurs souscriptions à l’érection de ce Monument.
Je suis heureux d’adresser à M. Popineau, sculpteur, un berrichon comme nous, au nom du Conseil Municipal et de la population Guerchoise, toutes mes félicitations pour l talent avec lequel il a exécuté ce chef-d’œuvre, dont l’expression est si frappante dans sa simplicité.
Je remercie la Société des Mutilés et Anciens Combattants de la Grande Guerre et celle des Vétérans de 70 pour les superbes palmes offertes à nos braves.
Je me garderai bien d’oublier notre Fanfare et je remercie sincèrement ses exécutants dont le zèle et le dévouement n’ont d’égal que la bonne volonté.
Mercie également à notre grande Société de Secours Mutuels et à la Section des Prévoyants de l’Avenir.
Enfin, j’associe dans une même pensée maîtres et maîtresses des Ecoles et leurs charmants élèves, espoir de l’avenir, et les remercie du gracieux concours qu’ils ont bien voulu nous prêter. Souvenez-vous toujours, mes chers petits enfants, que ce Monument, dans son symbole émouvant, a droit à votre plus fervent respect.
(…)
Habitants de La Guerche je vous confie ce Monument.
Après un nouveau morceau exécuté par la Fanfare, la foule se dispersa, emportant de cette cérémonie un souvenir inoubliable.
Des gâteaux et rafraîchissements ont ensuite été distribués aux enfants qui avaient participé au cortège.
Source: La Dépeche du Berry du 2 juin 1922. -Transcription Monumentsducher1418