Inauguration...
Discourt prononcé par M. Marcel Plaisant
A Ménétréol sous sancerre, le 4 septembre 1921 à l’inauguration du monument aux enfants tombés pour la Patrie,
Monsieur le maire
Messieurs,
Si l’hommage que nous rendons pour la Patrie apparaît comme l’acte visible de la reconnaissance publique à l’égard de ceux qui ont accompli le suprême sacrifice, il reste encore incapable d’exprimer, dans cette minute émouvante, tous les sentiments qui oppressent notre cœur la piété de notre souvenir, comme la conscience de notre orgueil. En érigeant cette stèle dans votre antique cité, au flanc de cette jolie colline qui soutient les assises de Sancerre, vous avez perpétué la mémoire de ces soldats, et pour le culte des familles blessés d’une irréparable douleur, et pour la gloire de la commune qui déclare par ce monument l’immortalité de ses héros.
Il convient que cette fierté civique ressorte et se dégage d’un voile de tristesse ; il convient que cette légitime émulation chasse les sombres nuages du passé et éclaire nos âmes d’une aube lumineuse. Non, ces beaux enfants que nous célébrons aujourd’hui ne sont pas morts dans la tristesse ; ils sont morts dans la joie.
Et si les images de la batailles, les épreuves, les angoisses et les souffrances d’une guerre détestable pouvaient laisser quelque doute dans votre esprit sur le caractère de ces hommes impavides, permettez du moins à un ancien combattant de proclamer que nos frères d’armes partaient à l’assaut le visage illuminé d’une radieuse noblesse, qu’ils s’offraient au fer et au feu ardents, vifs et allègres, qu’enfin ils ont exhalé leur dernier souffle, la flamme dans les yeux et sourire aux lèvres, pour tout dire d’un mot ; à la française.
Vos enfants, vos héros, ceux dont les noms sont inscrits là dans la pierre se sont donnés dans un jour de fête. Nous pourrions presque les célébrer dans un jour de fête.
Mais vous avez voulu confondre dans une même solennité la commémoration des enfants qui ont sauvé la patrie et l’anniversaire de la république qui a restauré la grandeur de la France. De ce courage et de cette franchise nous sommes heureux de vous féliciter. Si certains doivent supporter le remord des dates néfastes, ne rougissons pas, nous du 41 septembre 1870 qui, dans les affres de l’invasion, nous a vus naître à la liberté.
Ne laissons pas dire que la république soit due à l’adresse des tribuns qui auraient cherché à exploiter la capitulation de Sedan. S’il nous plaît d’associer le souvenir de ces origines à l’exaltation du courage et de toutes les vertus civiques, c’est justement parce que la république a cristallisé en un instant toutes les volontés défaillantes, tel un acte de foi, telle la contention soudaine de toutes les forces de la conscience nationale, c’est parce qu’enfin la république apparut dans ces jours tragiques comme l’explosion naturelle du patriotisme jailli des sources les plus profondes de l’âme populaire en révolte contre l’empire, contre le parjure et la servitude, contre la défaite et l’opprobre.
Ah ! Héros de Ménétréol ! Chers enfants que nous célébrons aujourd’hui, nous vous devons beaucoup.
La liberté restituée par nos pères s’est présentée à nous, en des jours de deuil ; elle s’est avancée ; le front chargé de cendres : mais elle était si belle que nous l’avons aimée quand même.
C’est vous qui avez rendu à la république la lustre de la victoire ; c’est vous qui avez livré plus de batailles que rois, princes et empereurs écroulés ; c’est vous qui avez parfait l’œuvre d’une guerre qui domine la majesté des siècles ; c’est vous qui avez conduit nos enseignes au Panthéon de la France en les couronnant de vos lauriers sanglants.
Abimés de respect et de reconnaissance, nous déposons au pied du monument le tribut de l’affection et de la gratitude publique. Mais c’est honorer les morts d’une pensée indocile, si l’énergie ne vient pas donner sa caution à la sincérité des paroles. De telles cérémonies contribuent à nous marquer le pris et l’exactitude de notre mission.
Conservons et augmentons le patriotisme matériel et moral qu’ils nous ont laissé, et sous leur nimbe divin, et pénétrés des senteurs de ce terroir, recueillons la leçon française qui Instruit des mêmes devoirs tous les serviteurs de la Patrie.
source: L'Avenir du Cher N1919 du 11 septembre 1921.. Transcription Monumentsducher1418