Discours de M. Soubiran, Conseiller Général
La parole est maintenant à M. Soubiran, conseiller général, qui prononce le discours suivant, étreignant les cœurs de tous les assistants :
Messieurs les membres du Comité.
Monsieur le Maire,
Mesdames,
Messieurs,
Puisque vous avez bien voulu me demander de présider à la solennité qui nous réunit aujourd’hui, il convient que je vous exprime mes remerciements émus pour l’honneur que vous me faites, car c’est un grand honneur que de pouvoir rendre publiquement hommage à la mémoire des enfants de Saint-Florent morts pour la France, que de pouvoir s’incliner devant les familles si cruellement frappées ; c’est un grand honneur, une source de grande émotion aussi s’il est vrai que le souvenir de ces années si dures, est toujours présent à notre esprit, il se précise peut-être davantage dans des jours comme celui-ci, les souffrances endurées deviennent plus sensibles devant ce monument qui est pour nos yeux l’image de ceux qui est pour nos yeux l’image de ceux qui ont consommé le suprême sacrifice, les vétérans des armées de 1870-71 nous rappellent les jours d’une autre guerre douloureuse, les mutilés de la grande guerre rendent tangible pour nous tout ce qu’ont souffert ceux qui sont revenus. Oui, on croit revivre ces longues années de douleur. Je ne vous dirai pas ce que furent ces mois effroyables, se succédant les uns aux autres, beaucoup d’entre nous le savent, je ne vous dirai pas la suite des combats journaliers, ils sont, hélas ! gravés comme en lettres de sang sur la face de ce monument, à chaque heure de ces quatre années l’un des nôtres tombait.
Enfants qui m’écoutez, enfants qui êtes l’avenir, ne passez jamais devant ce monument sans vous arrêter, sans avoir une pensée pour ceux dont les noms sont creusés dans cette pierre. Vous pouvez pu lire l’histoire de la guerre 1914. Le début de la campagne : Sarrebourg, Morhange, Apremont, Marbotte, La Louvière, Mattexey, l’Oise, La Bassée, les Vosges. Tels sont les lieux tristement célèbres où sont tombés tant de nos compatriotes : Aupic, Auton, Baijard, Besson, le lieutenant Buffe, Burlet, Debousset Charles, Albert Duchet, Florentin Duchet, le sergent Fougère, Gimonnet, Jacquin, Jolly, Lacord , le sergent Lafaix, Lelarge, Lucas, Mayet, Migraine, Prault, Ribaton, le sergent Rigault, Thomas, Taconnat, Touraine, Vigneron, Richoux, Béguin, et le lieutenant Chavy.
915. Ce sont les combats en Artois, Notre Dame de Lorette, Neuville Saint Vaast, Ablain Saint Nazaire, Loos, Souchez où tombèrent Bailly, joseph Guéniau, Léopold Philippe Guéniau, le sergent Larpent, le caporal Lecouet, Robin, le caporal Rollet, saint Bonnet, Thomas, Sulpice, Thauasne, vaillant, Vigneron.
A vaux Ferry disparaît Saint-Hildevert ; sur la Meuse et au Bois brulé Saint Florent perd Aussourd, Beguet, Bourgeois, Dutour, Lecointe, Néron, Raboisson ; En Champagne Bussière, le caporal Guilpin, Launeau, l’aspirant Petit, Reverdeau ; A l’Hartmandwillerskoph Masson et Dauphin, et à l’hôpital ou dans lieux inconnus meurent Aubin, Chirade, Fontaine, Jugand, Meunier, Migraine, Péronnet, Vagnot.
1916. Verdun, à la défense duquel ont si puissamment contribué les troupes du pays. Restent là-bas le sergent Béguet, Deloup, le lieutenant Germain, le caporal Jolivet, Launeau, Néron ; à l’offensive de la Somme et sur le reste du front ce sont Bertrand, Billault, Brisset, Coquelet, Dubois, le maître pointeur Fradet, Gourrier, Lelong, Ménager, Pennetier, le brigadier Pinglault, Abel Pichon, le caporal Pottier, Raimbault , le maître pointeur Riffet.
1917. L’année de l’offensive de l’Aisne, des Flandres, de Verdun ce sont le maître pointeur Aubin, le sergent Dauphin, le sergent Eyrignoux, le caporal Gonties, Mariet, le sergent Plisson Pouillat.
1918. L’offensive allemande, de nouveau la Marne, l’Oise ? L4Artois ? la Champagne, puis la poussée française qui ne s’arrête qu’à l’armistice, si près de la victoire disparaissent Corboeuf, Coulon, Dabat, Desprès, Duchet, Gourrier, Jolivet, le caporal Lépy, Margueritat, le caporal Penel, Poirier, Rousseau. En Serbie Louis Rousseau, puis Souchois, Torrear, Verdelhan, Marchais.
Et puis, comme si cette trop longue liste ne devait pas être close par l’armistice, depuis cette date meurent Moreau, Paulmier, Papillon, Bordinat, Bussisère, Vacher et Brisset.
De tous ces héros, soit qu’ils dorment leur dernier sommeil à l’endroit où il sont tombés, soit que leur dépouille ait été ramenée dans le cimetière de Saint-Florent, ce monument sera, à nos yeux, la Tombe-Symbole, de toutes les tombes. Et votre Comité, votre Municipalité, par contraste avec la désolation des champs de bataille, ont fait de ce Tombeau, émouvante pensée, un jardin, le champ du repos, où s’épanouira éternellement la fleur du souvenir.
La présence d cette tombe est pour nous rappeler le sacrifice des enfants de Saint-Florent, la victoire et ses raisons. Elle doit nous rappeler la victoire, elle doit être pour nous un réconfort et un enseignement. Un réconfort, en avons-nous donc besoin dans la paix tant souhaitée, si chèrement achetée au pris du sang de tous nos camarades, mais enfin la paix victorieuse. C’est que cette victoire, il faut bien le dire, ne nous a pas donné les fruits que pouvaient et devaient en attendre notre espoir et le prix des souffrances endurées. Pas encore du moins. Est-ce à dire que tout soit perdu, que l’œuvre de nos morts soit irrémédiablement comprise, qu’il faille désespérer de l’avenir ?
Non pas. Il n’est point question de témoigner d’un optimisme béat, on ne se relève pas, on n’assure pas sa richesse et sa force avec des formules, mais le pessimiste est le plus vain et le plus stérile, il tue l’effort, il est l’ennemi de toute action et l’action seule est féconde. Soyons optimistes, c’est-à-dire agissons dans l’union avec confiance, dans les destinées de ce pays, qui, en but au plus perfide des guets-apens, à l’agression la plus formidable, a trouvé aussitôt dans ses enfants unis pour le protéger et le défendre, tant de ressources merveilleuses, d’énergie et de dévouement. L’avenir du pays ne peut résulter que de l’union de tous ses enfants.
Certes dans un peuple vivant et libre comme le nôtre, l’unanimité des pensées n’est pas réalisable sur tous les points, en raison des divergences mêmes d’où jaillit l’émulatio , d’où sort un réciproque contrôle sont peut-être indispensables, à la vie profonde d’une nation. Mais il n’est pas moins nécessaire, que par delà ce champ largement ouvert à la discussion des idées et à la concurrence politique et économique, il existe un terrain d’union et de concorde, une zone réservée d’où toute discussion soit le culte de nos morts.
Les années d’avant guerre furent trop remplies par la rivalité des factions, ce furent les temps d’opposition et de discorde. A la discorde substituons l’émulation, à l’opposition une collaboration fraternelle, à l’intérêt particulier le souci du bien public. Trouvons-nous tous unis, pour que la France soit douce à tous ses enfants et forte contre l’injustice. Fils de la même patrie, marchons vers l’avenir la main dans la main. LA France attaquée n’a pas voulu mourir. La France victorieuse veut vivre et vivre dans la paix, dans la prospérité quelle a méritée.
Enfants de Saint-Florent, cette pais, cette prospérité tâchons de les assurer, comme vous nous avez assuré la victoire, en travaillant, tous unis autour de vous dont le souvenir nous exalte nous inspire et nous protège, tous les Français coude à coude, cœur à cœur.
Enfants de Saint-Florent tombés pour la France, pour nous, au champ d’honneur, je m’incline respectueusement devant votre tombe.
La Parole est ensuite à M. Pinault président de l’A.G.M.G. du Cher.
Source: La Dépêche du Berry 30 novembre 1922. Transcription Monumentsducher1418