Après l’exécution de la Marseillaise par la Fanfare municipale, M. Panseron prit la parole et définit le but de cette manifestation dans les termes suivants :
Mesdames, Messieurs et Amis.
En choisissant la date aujourd’hui pour l’inauguration de la plaque du souvenir commémorant l’ultime sacrifice des enfants de notre cité nous avons voulu associer un passé déjà lointain à celui que nous avons vécu hier.
Le passé lointain, c’est il y a cinquante ans, l’avènement de la république succédant à l’effondrement de l’Empire ; c’est aussi, malgré l’héroïsme des armées de l’époque, l’envahissement de notre territoire et le démembrement de notre Patrie !
L’évocation de ces souvenirs m’amène à rappeler le fière attitude patriotique et républicaine d’une de nos députés berrichons. Le 15 juillet 1870 le gouvernement impérial déposa sur le bureau du Corps législatif une demande de crédit de 50 millions pour faire la guerre qu’il désirait. Le député, Girault, notre ex voisin s’écria : « Nous nous lèverions tous s’il s’agissait d’une guerre nationale défendant la Patrie ; mais nous ne nous lèverons pas pour la guerre dynastique, agressive. »
Après lui, Thiers, Jules Favre, Gambetta et d’autres, demandèrent au gouvernement communication des dépêches qu’il disait avoir reçues, lesquelles lui servirent le prétexte à la demande des crédits en question ; le gouvernement s’y refusa. Thiers redoutant ce qui allait advenir, se tourna vers ses collègues et avec une émotion profonde, les adjura de refuser les crédits, mais le siège était fait, la guerre fut donc déclarée. Vous en connaissez les péripéties et les drames ! Ce furent d’abord les défaites de Wissembourg, de Wouth, de Forbach, défaites honorables, où nous luttions dans la proportion de 1 a 5 , puis ce fut Sedan, livré avec ses 80 000 hommes par l’empereur féton ; lequel, en rendant son épée a son frère Guillaume, lui déclara qu’il n’avait pas voulu de cette guerre, ce que fut l’opinion publique qui l’y avait poussé. Cette déclaration fut jugée de la façon suivante par un de nos grand historiens : « Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire que le manque de dignité ait été poussé aussi loin par un Chef d’état ! » Après ce fut Metz livrée avec ses 160.000 hommes par Bezaine le traître !
Entre temps notre grand compatriote Gambetta, avait réuni et organisé des armées, bien que manquant de tout elles lutèrent héroïquement mais ne purent que sauver l’honneur national !
La paix fut ensuite signée à Versailles et ratifiée le 1 er mars 1871, par l’Assemblée nationale siégeant à Bordeaux ; ce jour là, les députés d’Alsace et de Lorraine, donnèrent leur démission après avoir fait la déclaration que je vais vous lire :
« Livré par un odieux abus de la force à la domination de l’étranger… nous déclarons nul et non avenu, un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun. Au moment de quitter cette enceinte, où notre dignité de nous permet plus de siéger, la pensée suprême que nous trouvons au fond ne nos cœurs, est une pensée d’inaltérable attachement à la patrie dont nous sommes violemment arrachés. Nous attendrons avec une confiance entière dans l’avenir, que la France régénérée reprenne le cours de la grande destinée. Vos frères d’Alsace et de Lorraine, séparées en ce moment de la famille commune, conserveront à la France, absente de leur foyer, une affection fidèle, jusqu’au jour où elle viendra u reprendre la place. »
Et bien, ce jour est arrivé et si, les auteurs de cette déclaration n’ont pas pu en contempler l’aurore leurs descendants, auxquels ils avaient inculqué l’amour de la France et qui ont conservé pieusement d’assister à la rentrée triomphale de nos armées, dans les principales villes d’Alsace et de lorraine.
Le passée d’hier, c’est cette guerre effroyable de plus de quatre années, guerre dans laquelle toutes les classes sociales de la nation luttèrent d’un même cœur ; guerre dont l’enjeu était, non seulement de maintien de nos libertés mais encore, l’existence même de la Patrie !
Ah ! si l’heure solennelle à laquelle nous évoquons ces souvenirs, fait preuve en nos cœurs et dans ceux des familles éprouvées, le douloureux sacrifice de ceux dont les noms sont gravés dur ce marbre ils nous font ressentir aussi une indicible fierté ; car c’est à eux ainsi qu’à tous leurs camarades que nous devons d’avoir du retirer le voile de deuil qui depuis plus de cinquante années, recouvrait, à Paris, la statue allégorique de la ville de Strasbourg et , ainsi que je le disais, qui ont au cadran de l’histoire marqué l’heure de la justice immanente, prévue, annoncée, par notre grand tribun Gambetta.
Ah ! gloire leur sera rendue, ils ont bien mérité de la Patrie ! et nous les vieux de 70-71, nous qui avons assisté après le devoir accompli, impuissants et le cœur déchiré, à l’envahissement de notre térritoire, au démembrement de notre belle France, nous remercions le Destin de nous avoir donné de vivre assez longtemps pour être les témoins de la reconstitution de notre patrie et du retour au foyer commun, de nos frères d’Alsace et de Lorraine.
Oui, gloire leur soit rendue et à tous, nous adressons avec notre admiration, l’expression de notre profonde reconnaissance !
Allons Français !
Vive la France, vive l’armée nationale, vive la République.
C Penseron
Source: L'Avenir du Cher du 28 novembre 1920. Transcription Monumentsducher1418