Discours de M. Nivet :
"Mesdames, Messieurs, Messieurs,
Chers enfants,
Délégué par le conseil municipal pour exprimer au nom de la commune nos remerciements à la population de Vierzon Forges d’avoir si bien répondu à l’appel de la Municipalité pour la souscription ouverte afin de nous permettre de perpétuer dans ce cimetière communal par ce monument, et l’inscription de ces noms sur le marbre, le souvenir de nos grands morts et de leur rendre un hommage public et mérité.
Mesdames, messieurs chers enfants,
Je me sens dès le début de cette cérémonie, saisi d’une tristesse profonde en souvenir de tant de jeunes existences que le destin ou plutôt la folie des hommes a couché avant l’heure dans l’immortalité. Je devrais peut-être aujourd’hui taire mon sentiment, mais quel est l’homme vraiment digne de ce nom qui puisse rester indifférent devant tant de ruines ; devant tant de vies humaines fauchées dans leur fleur, peut-on ne pas crier sa colère contre cette chose horrible, criminelle qu’est la guerre ! Ceux qui l’ont vécue le savent bien. Pendant quatre ans, des hommes terrés dans la boue ont taché de se faire tout le mal possible ; toute leur volonté, leur intelligence tendues à un affreux travail de destruction et de mort.
Ce spectacle des ruines, ces cadavres, ces mutilés de toutes sortes perdant leur sang par d’affreuses blessures, ne peuvent-ils pas exhaler leur colère contre cette chose horrible, absurde et criminelle qu’est la Guerre.
Comment, en effet, mes chers amis, ne pas reconnaître que les hommes, passagers sur cette terre, sont stupides de se poursuivre ainsi de leur haine, pour précipiter leur mort. Comment ne pas se rendre compte, que tous les peuples ont commune origine et que la terre un jour nous réunira tous. N’est-il pas vrai que nos alliés d’aujourd’hui étaient les ennemis de la veille et qu’ils peuvent le redevenir demain.
Comment ne pas s’apercevoir que dans ces luttes fraticides, les vainqueurs et les vaincus sortent pantelants et ruinés.
Ainsi, n’est-ce pas folie que d’arroser de flots de sang humain les frontières changeantes des nations ?
Est-ce que le ciel a des frontières, lui ?
La Guerre est criminelle ! Elle l’est non seulement pour le mal qu’elle fait, mais pour celui qu’elle permet de faire. Car, ne pouvons nous pas dire, pendant que nos malheureux soldats subissent dans la bataille, le fer, le feu, les privations et les souffrances de toutes ordres, d’autres à l’arrière, loin du danger, à l’affût de toutes les entreprises trop souvent louches, exploitaient l’affolement général et ramassaient des millions. Je sais bien, que personne officiellement approuve la guerre ; chacun s’accorde généralement à dire que c’est un mal qu’il faut tâcher de faire disparaître mais hélas ! Depuis des siècles, les peuples acceptent ce terrible fléau comme une fatalité. Cependant, n’est-il pas permis d’abord pour cela bannir de nos cœurs la haine, aimer la famille, aimer son pays, mais dans pour cela détester, dédaigner les autres peuples. Aussi, proclamons donc de tout cœur la suprématie de la raison sur la force, car je prétends que si les bêtes se battent, les hommes doivent discuter et s’entendre.
Ont-ils une intelligence, pour ne point s’en servir ? Aussi, soutenons de toutes nos forces les penseurs, les idéalistes, ceux enfin qui essaient d’apporter dans les rapports des peuples, la justice de la fraternité. Une réalisation quoique imparfaite de nos rêves s’ébauche, je veux parler de la société des Nations. Nous saurons l’aider, et si nous savons imposé nos désirs de pais à ceux qui nous dirigent, cette Société des Nations d’affermira, s’élargira, et deviendra le Tribunal qui réglera par le droit le conflit des Nations. Alors, nous aurons bien mérité de nos Morts.
En tombant, tous ont cru tuer à jamais la guerre. On le leur a dit, et on leur a redit ; aussi protégeons de toutes nos forces leurs enfants et les nôtres contre ce fléau qui enlaidit l’humanité et la déshonore.
Chaque fois que nous passerons auprès de ce monument où nous avons uni leurs souvenirs, répêtons leur qu’ils peuvent compter sur nous, inclinons nous bien pas devant ce monument, fleurissons le, fleurissons leurs tombeaux qui l’entourent honorons leur mémoire. Promettons leur de venir en aide à leurs vieux parents, à leurs épouses, à leurs chers petits enfants privés de leur soutiens ; disons leur aussi que leur cœur reste au milieu de nous, que nous écouterons les accents, de leur voix d’outre tombe qui nous dit d’être unis, de faire trêve à nos divisions stériles, que nous nous donnerons fraternellement la main, que nous nous grouperons afin d’obtenir un bien être plus grand pour chacun, et un développement plus large de la civilisation et de progrès pour tous.
Au nom du conseil municipal, au nom de la population de Vierzon Forges, inclinons nous avec respect devant nos grands blessés qui souffrent avec résignation. Devant ce monument, devant ces tombes ? Associons-nous du fond de notre cœur à la douleur de ceux qui pleurent leurs chers disparus, mais que ceux-ci regardent autour d’eux, qu’ils voient toute cette population recueillie et sympathique, qu’ils regardent tous ces camarades, ces enfants de nos écoles, qui comprendront eux plus tard, le sacrifice de leurs aînés. Que toutes ces marques de sympathie puissent adoucir leur douleur. Reposez en pais braves enfants à l’abri de notre ferveur et de notre reconnaissance.
Et qu’à dater de ce jour, nul ne vienne dans ce cimetière sans penser à s’incliner respectueusement devant ce monument qui immortalise le souvenir des enfants de Vierzon Forges morts pour la France."
Source: La Dépeche du Berry 1921. Transcription Monumentsducher1418