Discours...
Nous sommes heureux de reproduire ici dans son entier le discours prononcé dimanche dernier, par M. Jouannin, président du Comité du Monument:
"Mesdames, Messieurs, Mon colonel, Monsieur le Député, Glorieux Poilus.
Une émouvante et patriotique cérémonie nous réunit: rendre un pieux hommage aux enfants de Graçay et Saint-Outrille tombés pendant la guerre.
L'Allemagne, voulant la ruine complète et définitive de la France, la jugeant superficiellement et la croyant en décadence, crut, parés une préparation de plus de quarante années, le monument favorable arrivé. Le prétexte fut l'ultimatum, qu'elle ne pouvait accepter, adressé à la Serbie. L'activité des diplomates fut impuissante à arrêter la criminelle ambition de l'Allemagne et le 3 août 1914, notre pays était brusquement assailli.
C'était donc la guerre que nous allions avoir à soutenir, guerre formidable, tant par le nombre des effectifs en présence que par la puissance et la variété des engins de destruction employés, guerre sans exemple où l'ennemi se livrera à tous les raffinements de la barbarie la plus cruelle. Cette guerre allait être pour la France la période la plus grave, peut-être, de son existence et de son issue dépendrait son sort. Elle l'accepta avec fermeté, avec calme, avec confiance, bien décidée à la poursuivre. malgré les dévastations, malgré les ruines, malgré les deuils, jusqu'à la victoire.
Bien que l'Allemagne eut apporté les plus grands soins à la préparation de cette guerre, elle n'avait pas tout prévu.
Pour atteindre plus sûrement la France, il faillait traverser la Belgique et là, elle se heurta à une résistance qu'elle ne soupçonnait peut-être pas.
Le petit peuple belge, préférant la ruine au déshonneur, s'opposa à l'avance des armées ennemies, sachant qu'il serait écrasé et que le pays allait subir toutes les calamités et tous les crimes.
L’Allemagne n'hésita pas à envahir ce glorieux petit pays dont elle s'était engagée par sa signature à défendre la neutralité. "Nécessite fait loi"...a dit son ministre, mais l'impartiale histoire répondra que ce fit le plus grand des crimes.
La glorieuse et courageuse résistance de la Belgique eut pour conséquence de retarder de dix-sept jours la marche des armées ennemies. Ce qui a permis à la France d'accomplir la mobilisation de son armée avec une si parfaite méthode, qu'on a pu dire "que les Allemands en demeurèrent consternée."
La Belgique par sa résistance a sauvé la France, nous devrons toujours aimer la Belgique.
L'Angleterre entra dans le conflit, se joignant ainsi à la France, puis quelques mois plus tard, les États Unis et l'Europe presque entière allait devenir le théâtre de la guerre.
Aussitôt l'ordre de mobilisation affiché, tous se rendirent à l'appel du pays, rejoignant l'endroit indiqué par leur livret et convaincus qu'ils allaient avoir à défendre le territoire. Les réfractaires, on pouvait les compter.
Par la mobilisation, la France a commencé à se grandir, et par la suite, dans toutes les rencontres, sur tous les champs de batailles, aussi bien dans les revers que dans les succès, elle se grandira de plus en plus, jusqu'à la victoire finale.
Au début, la fortune des armes ne nous fut pas favorable.
Après la bataille de Charleroi, nos armées poursuivies par l'ennemi, reculèrent jusqu'à la Marne, sans toutefois se laisser tourner ni entourer. Paris fut menacé et la France commença à connaître les jours d'épreuve et de tristesse, jours d'angoisses, qui reviendront à plusieurs reprises durant le cours de cette longue guerre.
La situation était alarmante, mais par suite d'une circonstance favorable qui n'a pas échappé au coup d’œil génial du Gouverneur de Paris, le Général Galliéni, le 6 septembre, le Général Foffre donna donna l'ordre d'attaque et alors commença cette bataille de la Marne, glorieuse pour nos armes et où l'ennemi défait, battu sur tout le front, fut obligé de battre en retraite jusqu'à Reims, harcelé par notre armée.
Cette victoire de la Marne, releva tous les cœurs et permit tous les espoirs. Elle fut bien un nouvel exemple de la faculté de rebondissement qu'à la France, grâce à laquelle elle sort victorieusement des situations les plus désespérées. Si on remonte l'histoire on trouve des exemples de cette étonnante puissance de rebondissement, mais la Marne, elle fut poussée jusqu'au miracle.
Notre poursuite s'arrêta à Reims, et là commença cette guerre déprimante des tranchées, où notre admirable armée eut à lutter non seulement contre l'ennemi, mais encore contre tous les éléments. Elle sut vaincre l'ennui, le pluie, la boue, le froid, endurer les souffrances, les plus affreuse et montrer une patience surhumaine, sans jamais se laisser aller à la démoralisation.
La guerre se poursuivit de longs mois, avec ses alternatives de revers et de succès, sans donner la solution tant désirée. Je ne vous en nommerai pas les épisodes glorieux; ils sont multiples, et les noms des endroits qu'ils eurent pour théâtre sont à jamais immortalisés. Cependant, il en est un qu'on ne peut passer sous silence; c'est Verdun.
Verdun, nom à jamais immortel, évoque la plus grande bataille de tous les temps, où se déroula une des phrases les plus poignantes et les plus grandioses de l'histoire du monde.
Pendant dix mois, durée de cette prodigieuse bataille, nos soldats, au cœur d'acier, ont résisté aux assauts les plus formidables de l'armée allemande et ont arrêté l'avance. Ils avaient dit: "Ils ne passeront pas!" et ils n'ont pas passé. Notre armée entière, pour ainsi dire, prit part à cette sanglante bataille, et on peut dire que du commencement à la fin ce fut un débordement d'héroïsme.
Une fois de plus, le vertu guerrière de notre race s'est affirmée; elle a dépassé les cimes les plus élevés, elle a atteint le sublime. La mémorable défense de Verdun restera le plus glorieux épisode de la plus grande des épopées et elle aura enrichi de ses plus belles pages l'histoire de France, qui en contient tant.
Dans l'année 1917, notre armée allait opérer de concert avec l'armée anglaise et l'armée américaine était prête à entrer dans la lutte. Nous reprîmes bien un peu de terrain aux armées ennemies, mais de solution toujours pas. La situation restait donc sans modification.
Au mois de mars 1918, les Allemands prennent l’offensive et repoussent nos alliés britannique. L'intervention de nos troupes arrête l'ennemi et l'empêche de progresser.
Au mois de mai, nous avons à soutenir une offensive sur le front plis étendu et nos troupes attaquées par des forces supérieures sont obligées de reculer. L'ennemi arriva jusqu' à la marne, Paris fut de nouveau menacé, et le pays connut encore des heures angoissantes. Devant l'adversité, la France conserva son même calme et subit ces jours sombres toujours avec la même foi dans le succès final. Le général Foch, avait le commandement unique; il avait sauvé la France plusieurs fois et la confiance en lui était grande. Le 18 juillet, journée immortelle, la victoire allait enfin sourire à nos armes. Le général Foch donne l'ordre de l'offensive et alors commence cette bataille qui devait durer 115 jours, bataille conduite avec la plus grande science par des chefs remarquables commandant les soldats les plus étonnant du monde, les "poilus" comme on les a appelés, et qui conserveront ce nom. Ce fut une suite de succès ininterrompus qui mirent les armées allemandes dans l'impuissance de continuer la lutte et les amenèrent à la capitulation.
Le 11 novembre, l'armistice était signé entre les armées belligérantes. A cette nouvelle, d'un bout à l'autre de la France, la joie débordait de tous les cœurs, l'allégresse était du délire, les fenêtres s'ornaient de nos trois glorieuses couleurs; c'était la fin de cette aventure sanglante pendant laquelle la France vécut dans l'anxiété la plus cruelle.
Et combien plus grande encore était la joie pour ceux qui ayant vu les mauvais jours de 1870, ont eu le privilège de vivre assez longtemps pour assister à la victoire.
Je suis du nombre et personnellement j'en remercie la providence.
La plaie de 1870 était cicatrisée et l'Alsace Lorraine rentrait dans la famille française, dont elle était séparée depuis près de cinquante ans.
Cette victoire est bien l’œuvre de tous les Alliés, mais la France y a contribué dans les plus fortes proportions.
On ne saurait donc avoir trop d'admiration pour nos soldats et leurs chefs qui tous déployèrent une valeur si conforme à nos traditions.
De cet épouvantable cataclysme, la France est sortie la plus meurtrie. Elle a vu son territoire ravagé, ses villes détruites, ses usines anéanties; toute sa jeunesse a été fauchée et un immense crie de deuil s'est étendu sur tout le pays.
Comme tous les enfants de France, ceux de Graçay et de Saint Outrille ont fait leur devoir. Nos pertes ont été sévères. Elles attestent la part glorieuse prise par les enfants de nos deux communes à la défense du pays et témoignent de leur héroïsme et de leur abnégation. La croix de guerre, la médaille militaire, accompagnées des citations les plus élogieuses, ont auréolé leur dévouement. Ils sont mort en pleine santé, en pleine gloire, et au nom de tous, je leur adresse le tribut de notre éternelle gratitude et je salue respectueusement ceux que les pleurent.
Épouses, mères, votre deuil durera, vos larmes ne sécheront pas, mais vous puiserez dans votre douleur une source de fierté, car vos maris, vos enfants, en offrant leur vie à leur pays, ont fait tout ce qu'il y a de grand.
Ce monument que nous inaugurons, symbole du souvenir, symbole de la reconnaissance est élevé à leur plus grande gloire et leurs noms, inscrits pour toujours sur ce marbre, rappelleront aux générations futures la grandeur de leur sacrifice.
L'exemple qu'ils ont donné restera vivant dans tous les cœurs et, en passant devant ce monument, on pensera toujours à ceux à qui nous devons d'avoir encore une partie.
Nous avons le devoir de rendre hommage, non seulement aux morts de la grande guerre, mais aussi à tous les combattants aux blessés comme à ceux qui sont sortis indemnes de la sanglante fournaise; à tous sans exception qu'ils soient tombés en Italie, en Serbie, à Salonique, aux Dardanelles, nous conservons la même admiration.
Tous voulaient la paix, mais tous aussi étaient prêts pour se sacrifice suprême. C'est l'enseignement qu'ils laissent aux générations futures.
Au noms du comité, je remets à la commune de Saint-Outrille, dont il fera désormais partie du patrimoine, le monument élevé à la mémoire des enfants de Graçais et de Saint Outrille morts pendant la guerre de 1914-1918. Il sera l'emblème de l'autel de la Patrie que nous entourerons d'un pieux respect. Maintenant, il me reste le devoir de remercier tous ceux qui ont bien voulu coopérer à l'érection de ce monument, sans en oublier l'auteur, M. Popineau.
Je remercie M. le curé de Graçay d'avoir bien voulu bénir le monument. Je salue le représentant de l'autorité militaire qui, par sa présence, témoigne du devoir qu'il y a à rempli envers nos morts de la guerre. Je remercie M. Dubois de la Sablonière, député du Cher, d'avoir bien voulu s'associer à notre patriotique cérémonie. Merci aussi à la société musicale de Graçay de nous avoir prêté son concours; toute ma gratitude aux délégations des sapeurs-pompiers, des vétérans, des membres de la société de secours mutuels, des combattants, qui sont venues apporter leur tribut à la réussite de notre cérémonie et enfin merci à tous ceux qui, par leur présence, se sont associés à l’œuvre du Comité qui, sans exception, en sait gré à tous."
Nous publierons dans nos prochains numéros les discours prononcés par MM. Allouis, Dardier et le lieutenant-colonel d'Oulenbourg.
Source: Le Journal du Cher du 4 mai 1922. -Transcription Monumentsducher1418