Inauguration ...
Les habitants de Sancerre, unis dans un même sentiment de reconnaissance, groupés dans une même piété filiale, ont pris part en grand nombre, le vendredi 11 novembre, aux cérémonies qui ont eu lieu à l’occasion de l’inauguration du monument élevé à la mémoire de ceux de leurs enfants qui sont tombés pour la défense de la Patrie.
La première cérémonie a été un service solennel célébré le matin, en l’église paroissiale, à la mémoire de nos chers morts.
Une nombreuse assistance avait répondu à l’appel de M. l’archiprêtre Ducher. M. Dissart, sous-préfet, M. panseron, maire de Sancerre, les membres du Conseil municipal, la plupart des fonctionnaires, des délégations des diverses sociétés de la ville étaient présents.
La messe a été dite par M. l’abbé Grand, curé de Chavignol et l’absoute donnée par M. l’archiprêtre Ducher. Au cours de l’office, ce dernier est monté en chaire et a prononcé une éloquente allocution, pour dire quel souvenir nos morts nous inspirent et faire appel à l’Union de tous les Français.
Après l’office, a commencé la fête officielle : il y a eu, à 11 heures, réception des invités à l’Hôtel de Ville et vin d’honneur offert par la municipalité.
A midi, un banquet a réuni à l’Hôtel du Point du Jour 85 convives, sous la présidence de M. Panseron, maire. Parmi les convives, on notait la présence de M. le Sous-préfet, MM. Pajot et Mauger, sénateurs ; Valude et Plaisant, députés ; Maupin, conseiller général ; Biquin, conseiller d’arrondissement ; Jules Habert, Président du Comité du Monument ; Raimbault, ancien maire ; les Maires des communes de Bué, Ménétréol, Vinon, Crésancy, St-Satur ; les adjoins et conseillers municipaux ; Delperier, sculpteur, Jarry, entrepreneur et Robert, architecte du Monument ; Morand, Capitaine de gendarmerie ; Thomas, Président du Comité des Compatriotes Sancerrois à Paris, assisté de MM. Chotard et Picard, membres du Comité ; les Présidents des différentes Sociétés ; Louis Malfuson, de la 854° Section des Prévoyants de l’Avenir ; Corneloup, de la Solidarité Sancerroise ; Vaillant de Guélis, de la section des Mutilés, assisté de 14 membres de la Section ; enfin M. Reuland, directeur de la Fanfare Municipale et un certain nombre de fonctionnaires.
A la fin du repas, dont le menu valut des compliments au maître d’hôtel, M. Panseron adressa ses remerciements à nos représentants, qui ne manquent jamais de rehausser de leur présence des manifestations comme celle d’aujourd’hui ; il remercia également ses collègues du canton et les mutilés et leva son verre en l’honneur de la ville de Sancerre et de tous les convives.
A 2 heures et demie, le cortège se forme à l’Hôtel de Ville. M. le Général Janin, commandant en chef du 8° Corps, qu’une panne d’automobile a empêché de prendre part à la première partie de la fête, se joint à cet instant aux autorités.
Précédé de la Fanfare municipale, qui joue une marche entraînante, le cortège se rend, en passant par les rues de la Pannerie, de la Paix, des Trois-Piliers, la place de la Halle, la rue Porte César, à la place des Ecoles, sur laquelle est édifié le monument. Prennent part au défilé : les élèves du collège, des écoles communales, des écoles libres, la compagnie des sapeurs-pompiers, les Vétérans de 1870-71 avec leur drapeau, les anciens combattants, la Société de secours aux blessés, l’Union sportive Sancerroise avec son fanion, la Société de secours mutuels « La Solidarité Sancerroise, avec son drapeau, les Prévoyants de l’Avenir, etc.
Une foule énorme s’est jointe au cortège, dans lequel on remarque, outre le général Janin et son officier d’ordonnance les membres du Parlement, M. le Sous-préfet, M. le Maire, M. Briand, adjoint, les conseiller municipaux, M. Maupin, conseiller général, M. Biquin et Hardouin, conseiller d’arrondissement, Jules Habert, président du Comité, Raimbault, président des Vétérans, M. Delpiérier, sculpteur ; M. l’abbé Ducher, archiprêtre de Sancerre, etc., ect.
Le monument, qui se dresse dans la partie basse et au milieu de la place des Ecoles, est l’œuvre de M. Georges Delpérier, sculpteur à Tours, médaillé du Salon des Artistes français. L’artiste, qui a reçu et mérite de vives félicitations, a taillé dans la pierre une femme coiffée du petit bonnet berrichon et enveloppée de la cape d’autrefois. Cette femme, une mère aux traits attristés, tient par la main une fillette et toutes deux viennent déposer des fleurs sur le monument du souvenir, constitué par une pierre tumulaire sur laquelle sont gravés ces mots ; « A nos morts glorieux ».
Le monument est entouré d’une balustrade du socle, une plaque de marbre porte les noms des 64 enfants de Sancerre qui sont morts pour la Patrie.
Lorsque seront plantés les arbres qui doivent entourer le monument, celui-ci, au milieu d’un square de verdure, fera certainement très bel effet.
Le cortège se range aux pieds du monument, sur les marches duquel sont déposées de magnifiques couronnes et palmes. On remarque particulièrement la palme. On remarque particulièrement la palme en bronze offerte par le « Comité des Compatriotes Sancerrois » de Paris.
La cérémonie commence par le Chant es Girondins, exécuté par la Fanfare municipale et par un chœur, chanté par les jeunes filles du cours complémentaire de Sancerre.
M. Jules Habert, président du Comité procède ensuite à l’appel des Enfants de Sancerre morts pour la Patrie. M. Semelet, mutilé de guerre, ancien officier, répond à chaque nom : « Mort pour la France ». Cet appel, rendu au milieu du plus profond silence, est vraiment émotionnant.
Voici les noms de nos 64 compatriotes morts de la guerre.
Berneau Félix ; Berneau Raymond, 10° R.I. ;Berneau Raymond, 95° R.I. ;Bissat Emile,Boitard Georges;Bondon Léon ;Bonnin Gabriel ; Bonnin Paul ;Bordier Camille ;Boulay Adrien ;Boulay Ernest ;Boulay Louis ;Boulay Ursin ;Chapon Etienne ;Cherrier Anatole ;Cherrier Ernest ;Chevreau Pierre ;Chigot Louis ;Dion Léon ;Dubout Charlemagne ;Ducloux Léon ;Dutarte Raymond ;Frezot Louis ;Gansinat Louis ;Lacour Lucien ;Léger Albert ;Lesimple Albert ;Lesimple Amédée ;Lesimple Gaston ;Lesimple Louis ;Lherbé Lucien ;Lacour Aristide ; Marion Camille ;Maupas Marcel ;Mellot Joseph ;Menot Raymond ;Meunier Georges ;Migeon Gustave;Moreux Maxime;Mouton René,Née André ;Papillon Louis ;Picard Laurent ;Pinon Emile ;Pinon Raymond ;Planchon Louis ;Raffestin Célestin ;Raimbault Marcel ; Rezard Louis ;Roger Edmond ;Roux Louis ;Supplisson Camille ;Terrier Auguste ;Thomas Emilien ;Thomas Léon ;Tulon Auguste;Torteau Achille;Vaillent de Guélis Hervé;Vattan Emmanuel.
M. Habert prononce un discours dans lequel, après avoir déclaré remettre le monument de la Ville, il fait l’historique de la guerre et termine par un éloquent appel à l’Union de tous. En restant unis, les Français qui ont donné leur vie pour la patrie.
M. Raimbault, président de la section des Vétérans et de la section des Pupilles de la Nation, prend la parole et déclare apporter au pied de ce monument « le tribut d’admiration et de reconnaissance » de ces deux Sociétés.
De son discours, que l’abondance des matières nous empêche de reproduire in-extenso, nous citerons ces passages : Discours de M. Raimbault
M. Raimbault termine en affirmant que, les « Pupilles de la Nation auront toujours la première place dans notre tendresse et dans notre tendresse et dans notre sollicitude » et « au nom des mères et des veuves, au nom des orphelins, en fléchissant le genou devant le marbre sur lequel sont gravés les noms des enfants de Sancerre martyrs de la Patrie.
Le général Janin s’avance à ce moment et après le « ban » traditionnel des tambours et clairons », remet la médaille militaire au soldat Draincourt à qui il donne l’accolade. Le commandant du 8° corps prononce ensuite cette allocution : Discours de M. le général Janin
La parole est maintenant aux parlementaires, M. Pajot, sénateur, rappelle ses souvenirs de 70 et de l’Empire. Il redit l’héroïsme des soldats de la grande guerre et rend honneur à tous ceux qui sont morts pour la France.
M. Valude, député, évoque le souvenir de l’armistice, dont c’est aujourd’hui le 3° anniversaire. Chacun de nous se souvient encore qu’à cette heure même des salves de canon, des sonneries de cloches annonçaient à toute la France, l’évènement heureux, la fin de la guerre ; la grande voix du canon célébrait notre victoire.
On peut craindre aujourd’hui que l’étincelle de gloire qui électrisait la France n’ait été qu’une lueur fugitive, telle l’étoile filante, qui part d’un point du Ciel pour se perdre à l’horizon, sans laisser aucune trace. Tout d’abord, on n’a songé qu’à la paix, on l’a fêtée dans la joie et dans l’espérance. Nous en sommes maintenant à traverser les jours d’épreuves qui fatalement devaient suivre la paix. Pour sortir des difficultés actuelles, il nous faut, à nous les survivants, conserver le culte de cet Idéal pour lequel sont morts tant de héros.
L’orateur, qui est particulièrement écouté, rappelle les grandes dates de la guerre et les principales phrases de cette longue lutte de plus de quatre ans.
Faisant allusion à la Conférence de Washington, il espère que le programme de désarmement qui sera discuté inaugurera une ère de paix et marquera la fin des sacrifices sanglants, non seulement pour la France, mais pour l’humanité toute entière.
M. Mauger, sénateur ne pense pas que l’on puisse rester indifférent devant les sacrifices faits par les héros, qui sont tombés au champ d’honneur pour assurer à leur pays une situation meilleure.
Ils ont répondu avec empressement à l’appel de la Patrie, ils ont combattu, ils ont souffert, ils sont morts, et jusqu’à leur dernier souffle, ils ont affirmé :
« Ce que nous voulons, ce que nous attendons, c’est la victoire, et en effet ils ont contribué au triomphe de nos armes, ils ont sauvé le pays, ils ont sauvé la France et sauvé l’Humanité.
M. Marcel Plaisant, député, après avoir protesté que « ni le temps, ni l’accoutumance ne sauraient diminuer la ferveur de notre souvenir » envers les enfants tombés pour la Partie, rend en ces termes hommage à nos morts.
Source: Le Journal de Sancerre du 26 novembre 1921. Transcription Monumentsducher1418