Inauguration...(La Dépêche du Berry)
Hier a eu lieu à Mehun sur Yèvre, l’inauguration du Monument élevé à la mémoire des Enfnats de la commune morts pour la France.
Cette cérémonie émouvante et solennelle avait attiré, dans la coquette petite ville, une affluence considérable qui se pressait émue et recueillie, tant au passage du cortège officiel qu’au cimetière. Le temps, incertain dans la matinée, et qui s’était un moment gâté vers midi au point qu’une furieuse averse put faire craindre un moment que l’ordonnance de la cérémonie ne fût irrémédiablement compromise, se mit fort heureusement au beau dans l’après midi et un clair soleil succéda à la bourrasque permettant au cortège de s’organiser avec ordre et conformément aux dispositions arrêtées.
C’est à la Mairie que se sont réunies les autorités officielles, qui, répondant à l’appel de la Municipalité de Mehun, étaient venues en très grand nombre. Aux côtés de M. Rousseau, maire de Mehun, entouré de MM. Galon et Ducarteron, adjoints et de tout le Conseil Municipal, nous remarquons MM. Richsmann, Préfet du Cher colonel Moillard, commandant le 95° d’infanterie, représentant le général Janin, commandant du 8° Corps d’armée ; Mauger, sénateur ; Plaisant et Valude, députés ; Louis Pillivuyt, président Comité du Monument ; Colonel Méry ; Colonel de Cambry, du camp de Beauvoir ; Meténat et Foucrier, conseillers généraux ; l’abbé Pavillard, curé de Saint Florent, ancien aumônier aux armées, chevalier de la Légion d’honneur, et les membres du clergé, etc.
A 1 heure 1/2, le cortège se mettait en marche, se rendant, par rue Jeanne d’Arc et l’avenue de la Gare, au cimetière. En tête venaient les Vétérans de 1870 avec leur drapeau et les gendarmes. Derrière s’avançaient sur deux files, portant des palmes et des fleurs, les enfants des écoles de Mehun, sous la conduite de leurs dévoués maîtres et maîtresse. Puis venaient les Mutilés, les Pupilles de la Nation, les Dames de la Croix-Rouge, les Parents des Morts, les Combattants et Légionnaires.
Après eux, suivait la Fanfare Municipale , précédant les autorités officielles qu’encadraient la Société de gymnastique la Vaillante et la Compagnie des sapeurs-pompiers.
Des délégations très nombreuses des diverses sociétés de la Ville fermaient la marche.
Dans l’ordre le plus parfait, et entre deux haies de spectateurs pressés et recueillis, le cortège gagna ainsi le cimetière.
Au cimetière
Bien avant l’arrivée du cortège, une foule nombreuse se pressait aux abords du cimetière et dans les allées de la nécropole, particulièrement aux abords du Monument.
Celui-ci a été élevé à l’extrémité Sud du cimetière. C’est une œuvre des plus remarquables et qui fait le plus grand honneur aux artistes mehunois qui l’ont conçu et exécuté. M. Maquaire, l’auteur du projet, M. Robert, le ferronnier d’art bien connu, M. Monganaste, artiste peintre, M. Chantelat, agent-voyer.
Entièrement en pierre du pays, il se compose d’un pylône central surmonté d’un casque avec branche de lauriers, relié à deux pilastres latéraux par dix plaques de marbre vert compan, sur lesquelles sont gravés en lettres d’or les noms des enfants de la commune tombés au champ d’honneur.
Les pilastres latéraux sont ornés, à leur partie supérieure, d’une croix de guerre taillée dans la pierre et qui se détache sur fond tricolore et or en mosaïque de porcelaine.
Au-dessus des plaques de marbre, une grille en fer forgé, ornée de branches de lauriers et de motifs dorés, réunit le pylône central aux pilastres.
On accède au monument par trois marches, et sur le devant un tertre est aménagé pour recevoir des fleurs. Il était hier superbement fleuri de magnifiques chrysanthèmes.
Tout autour du monument, les autorités et la foule se rangent, tandis que les différentes délégations et associations viennent déposer devant lui des couronnes et des palmes. Parmi ces couronnes, qui sont de toute beauté, on remarque une couronne en bronze, croix de guerre entrelacée de lauriers, offerte par les familles des enfants de Mehun morts pour la France ; les couronnes du Syndicat du Commerce et de l’Industrie mehunois, du Club sportif mehunois, de la Société de secours mutuel de la ville, de la Société de secours mutuel Prévoyance et Fraternité, de la Fanfare Municipale, de la Croix-Rouge, de la section de Mehun F.O.P. ; les palmes offertes par les Vétérans, les Pêcheurs à la ligne, etc.
La cérémonie
La Fanfare Municipale joue la Marche Funèbre de Chopin, puis M. Louis Pillivuyt, président du Comité, qui va faire remise du Monument à la Ville de Mehun, commence la série des discours. Il n’y en eut pas moins de neuf et nous regrettons que leur nombre ne nous permette pas de les publier tous aujourd’hui.
Après M. Louis Pilivuytn L. Rousseau, maire de Mehun, prit la parole, et reçut des mains du Comité du Monument aux Morts que la ville s’engage à entretenir à perpétuité avec un pieux respect.
Le colonel Méry, qui débuta dans la vie militaire en servant comme sous-lieutenant et comme lieutenant à Bourges, au 95° d’Infanterie, et qui eut un rôle glorieux pendant la guerre à la tête des régiments qu’il commanda, succède au maire de Mehun.
Le colonel Méru va faire l’appel funèbre des enfants de la commune morts au champ d’honneur. Tambour et clairons ouvrent le ban. Toutes les têtes se découvrent et à chaque nom appelé par le colonel, un ancien combattant placé à ses côtés répond : Mort pour la France. Hélas, la liste est longue ; le ville de Mehun a donné à la France 190 de ses enfants. Le colonel poursuit l’appel glorieux et c’est toute la guerre qu’évoque cette liste funèbre. Ils sont tombés, les enfants de Mehun 45 en 1914, 45 en 1915, 38 en 1916 ; 23 en 1917, 39 en 1918, pendant la poursuite, en chassant l’ennemi de la France.
Après cette cérémonie et après quelques paroles émues du colonel Méry, les enfants des écoles, sous la direction de M. Labussière, font entendre un choeur, un hymne aux héros qui ont sauvé la patrie. Dans le recueillement de cette foule qui se presse autour des tombes, ces claires et purs vois qui chantent le refrain ‘Enfants, sur leurs tombeaux, apportez des lauriers », sont particulièrement émotionnantes.
Après eux, reprend la série des discours. Prennent successivement la parole, MM. Mauger, sénateur, Valude et Plaisant députés.
M. Mauger, saluant les glorieux morts, adjure les enfantes de se souvenir que ceux que l’on honore aujourd’hui ont défendu la terre de France et ont sauvé l’humanité. Il rappelle les heures de 1870 où l’Allemagne déferla jusque dans nos régions et foula le sol de la commune de Mehun, puis le retour de ces sombres heures que l’on croyait à jamais disparues. Il évoque le souvenir des heures de la Marne, de la défense du camp retranché de Paris, lorsque les bûcherons du centre, jeunes et vieux, partirent avec leur haches et leurs cognées pour joindre leurs efforts à ceux de nos armées pour arrêter l’envahisseur.
Ma Valude à son tour rappelle que c’est grâce à ceux qui sont tombés que le soleil de la liberté luit sur la terre de France. Leur exemple demeure pour dire que le peuple français ne doit pas mourir et qu’il est fait pour conduire le monde sous l’égide de sa devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.
M. Marcel Plaisant, en termes éloquents, glorifie à son tour les Morts. Puis ce sont le colonel Maillard et M. Molénat qui apportent aussi leur hommage.
Enfin, pour clôturer la série des discours, M. le Préfet du Cher prend la parole.
Devant ces tombes de marbre où sont gravés les noms des enfants de Mehun morts pour la France, la cité entière est, dit-il, venue défiler apportant son pieux hommage à ces illustres disparus. Aussi est-ce avec la plus vive émotion qu’il vient apporter à son tour, à leur mémoire, le salut du gouvernement.
Il n’a plus à retracer l’histoire de ces braves. Elle est dans tous les cœurs et dans toutes les mémoires. Tous ceux qui sont là aujourd’hui, parents, amis, revivent les jours d’angoisse, la minute où pour la dernière fois il ont vu le sourire de ceux qui sont disparus. Ces vaillants ne sont pas tombés en vain. Ils ont assis sur des bases solides la victoire et la paix.
S’adressant aux enfants des écoles, M. le Préfet leur rappelle que si la rude tâche de leurs aînés est terminée, leur tâche à eux commence. C’est par leur travail de chaque jour par leur volonté, par leur action que sera assuré le relèvement du pays.
Conservons, dit en terminant M. le Préfet, gravée dans notre coeur, notre foi ardente dans l’avenir de notre pays. Une fois de plus il s’incline avec respect devant ceux qui sont tombés pour la patrie.
La Fanfare Municipale fait entendre la Marseillaise. La cérémonie est terminée.
Es autorités officielles font lentement le tour du monument, puis le cortège se reforme pour regagner la mairie dans le même ordre d’au départ.
Un vin d’honneur
Selon le désir de la Municipalité de Merhun et en raison de son caractère particulier, la journée ne comprtait, en dehors de la cérémonie, aucune fête. Mais après le retour du cortège à la Mairie, la Municipalité avait tenu cependant à recevoir ses invités ainsi que toutes les personnes qui avaient pris part officiellement à la cérémonie. C’est dans une des salles de la Mairie, fort bien décorée, que ce vin d’honneur a été offert. Il n’y a pas eu de discours, M. Rischmann, préfet du Cher, a simplement en termes excellents, remercié la Ville de Mehun et sa Municipalité de leur aimable accueil et porté la santé de M. Millerand, Président de la République.
M. Rousseau, maire de Mehun, en quelques paroles parties du coeur et chaleureusement applaudies a remercié les autorités présentes et toutes les personnes qui avaient participé à cette émouvante cérémonie.
La réception se prolongea quelques instants, puis chacun se dispersa tandis que les autorités officielles prenaient congé de la Municipalité.
Les discours.
Nous publions ci-arpès le texte des discours qui ont été prononcés hier à la cérémonie de Mehun.
Source: Le Journal de Sancerre du 12 novembre 1921. Transcription Monumentsducher1418