Discours de M. Marcel Plaisant.
Député du Cher.
Mesdames,
Monsieur le Maire,
Messieurs,
Le culte que nous devons rendre aux enfants tombés pour la Patrie, loin d’être affaibli par sa répétition, marquerait plutôt une sincérité toujours plus ardente, à mesure que le temps nous permet de mieux apprécier la grandeur de leur œuvre, et la somme d’énergies morale nécessaire pour conjurer l’adversité de la fortune dans la guerre et dans la paix.
Les glorieux fils d’Aubigny sur Nère ont accompli le suprême sacrifice en laissant éclater cette vertu qui forme le ressort dans un état populaire, et qui a donné à la République l’auréole de la Victoire. Comme leurs noms suffisent à évoquer ces souvenirs, ainsi la mémoire des hommes se plaira à rappeler les traits sublimes de courage, d’abnégation ou d’audace, qui ont été prodigués pendant une lutte abominable de quatre années qui a désolé le cœur des mères, et la terre nourricière souillée par la feu et par le sang.
Mais quelle que soit la noblesse des qualités qu’ils ont illustrées par leur trépas, si brillante que demeure leur image devant la postérité, les soldats que nous célébrons aujourd’hui n’ont pas déployé une force morale plus puissante, que leur étroite concorde pendant cette longue épreuve, que leur patience opiniâtre en dépit des coups si funestes que le sort des armes infligeait en vain à leur inébranlable fermeté.
Comment dénier qu’aux heures sombres, lorsque le destin semble vouloir nous détourner de la véritable voie vers une forêt obscure, l’attitude de nos camarades de combat reste, pour nous, une grande leçon d’union. L’oubli des querelles stériles, le concert de toutes les facultés physique et morales dans l’action, enfin, au-dessus des origines qui divisent et des conditions sociales qui donnent l’éphémère apparence de l’inégalité, le rapprochement des âmes en vue une œuvre féconde, tels sont les préceptes de haute sagesse que nous ont livrés ces soldats imberbes et que nous devons recueillir et appliquer pour rendre à la France, les mouvement de l’intensité d’une vie qu’ils ont assurée par leur mort.
L’admirable patience qu’ont montrée ces braves dans les angoisses du combat et dans la misère des tranchées. Doit également nous servir de règle de conduite pour garder notre sang-froid devant les provocations de l’Allemagne sui répudie les engagements solennellement contractés, et qui se refuse aux mesures de sécurité nécessaire à la conservation du gage qui garantira le recouvrement de notre créance.
Que si certains osent parler d’une part quelconque de responsabilité qui incomberait à la France dans l’éclosion de la guerre, il faut y voir non seulement une injure faite à la vérité et à la conscience internationale des peuples qui sont accourus sous nos drapeaux pour la défense de la Liberté, mais encore la preuve et exploitée par l’empire pour se dérober aux obligations présentes, en essayant d’égarer les alliés sur leur devoir d’assistance et de concours.
Nous reconnaissons là les coutumes de notre ennemi.
Si nous voulons et si nous aimons passionnément la paix, l’allemand a voulu, a toujours cherché et désiré la guerre, M. le Président du Conseil recommandait dernièrement la lecture des commentaires du César à quelques-uns de bis alliés et à une petite poignée de nos compatriotes. Il est permis d’ajouter que la méditation de la Germanie de Tacite ne serait pas moins profitable.
Si la cité ou sont nés ces Germains, nous dit l’historien, languit dans la torpeur de la tranquillité et d’une trop longue pais, la plupart des nobles adolescents gagnent de leur plein gré les pays qui font la guerre parce que le repos est odieux à cette race, parce qu’ils ne peuvent tenir un grand train que par les œuvres de la guerre et de la violence. Ils exigent de la libéralité de leur prince ce fameux cheval d’armes et cette framée sanglante et victorieuse. Des festins plantureux encore que grossiers leur servent de solde. La matière de leur munificence est acquise par la guerre et par le pillage. Tu leur persuaderas moins facilement de labourer la terre et d’espérer la moisson que de provoquer l’ennemi et de mériter des blessures. Paresseux et bien pire, inerte et propre à rien est, à leur yeux, celui qui acquiert par la sueur ce qu’il peur se procurer par le sang. »
C’est contre la même race belliqueuse et sanguinaire que les combattants de la citée Albinoise ont eu à lutter jusqu’à la victoire et jusqu’au triomphe. Le monument que vous avez élevé à ceux qui sont tombés, glorifie les noms des héros par une inscription, mais révèle aussi la pensée qui vous anima en rappelant le sacrifice de nos concitoyens.
Le soldat sculpté sur cette pierre qui s’offre aux regards du passant, à la rencontre de deux grandes voies publiques, représente le défenseur.
Cet homme n’a pas été l’instrument d’une guerre.
Cet homme a été la victime de la défense nationale dressé dans on plus magnifique élan pour protéger les femmes, les vieillards, les enfants et le sol natal contre une injuste agression.
Inspiré par ce sentiment, je m’incline respectueusement devant ces morts illustres qui ont restitué la patrie dans l’intégrité de son territoire, qui ont sauvé, contre les barbares le patrimoine moral de l’humanité en couronnant la République de lauriers immortels.
Source: La dépêche du Berry des 31 juillet et 1er août 1922. Transcription monumentducher1418