Inauguration...
La ville de Sancoins vient d’honorer dignement la mémoire des braves enfants de la commune morts pour la patrie.
Près de la mairie, à gauche, se trouve une étroite place, qui a été transformée en petit jardin, avec par terres de fleurs et plates-bandes de gazon. C’est au centre de cet emplacement que se dresse la stèle monumentale en pierre, érigée à la gloire des poilus de Sancoins tombés au cham d’honneur.
Sur la face principale, une statue de femme, en haut relief, représente la France glorieuse apportant des couronnes de lauriers et d’immortelles aux tombeaux de ses héroïques défenseurs morts pour la plus sainte des causes.
Elle se dresse calme et fière sur un socle, portant en bronze cette inscription « Aux morts pour la Patrie ! » Sur la face opposée, sont inscrits les noms de 146 enfants de Sancoins qui ont versé leur sang et ont succombé pour sauver la France et repousser l’envahisseur ; de-dessous, se voit un bas-relief, d’une grande intensité de mouvement et de vis, des soldats casqués l’élancent à l’attaque.
Sur les côtés, des palmes de bronze et divers attributs guerriers.
La stèle repose sur un bloc de pierre de taille, formant tertre, et d’un ensemble de lignes harmonieuses, grâce à une succession de décrochements.
Devant le motif principal, on a ménagé un emmarchement, permettant l’accès au pied de la statue. Ce monument est l’œuvre de M. Molineau, sculpteur.
Il a donné satisfaction aux membres du Comité et à la population.
Et c’est à son inauguration que la municipalité de Sancoins avait convié, dimanche, les autorités civiles et militaires, les habitants de la commune et de tout le canton.
Pour recevoir ses hôtes, la ville de Sancoins a pavoisé ses monuments publics ; beaucoup de maisons particulières ont arboré des drapeaux. Les rues sont ornées de rideaux de Verdure et de guirlandes. A l’entrée des voies les plus passantes, ont été construits des arcs de triomphe, avec des devises en l’honneur des combattants, des mutilés, des morts.
La première partie de la fête a été favorisée par le temps
Le journée a commencé par une messe en l’église, à la demande du Comité, de la majorité du Conseil municipal et de nombreux habitants. Ceux-ci se sont d’ailleurs portés en masse à la messe, à tel point que l’édifice s’est trouvé trop petit pour contenir la foule considérable. Celle-ci était en majeure partie composée d’hommes ; Vétérans de 1870-71, anciens combattants, mutilés, la Société l’Union musicale, la Société sportive, la Société de secours mutuels. On remarquait encore les veuves de guerre, les membres des familles éprouvées par la perte de l’un des leurs.
Au cours de la messe, la musique, sous la direction de M. Penel, a exécuté dans la perfection un programme de circonstance. C’est M. le chamoine Gadon, de Bourges, qui a célébré la messe.
Le sermon a été donné par M. le chamoine honoraire Boulanger, curé-doyen de Sancoins qui avait pris pour thème ce passage de notre immortel hymne national qu’on glorifie ces jours-ci à Strasbourg :
« Allons enfants de la Patrie, Le jour de gloire est arrivé »
Avec un rare bonheur d’expressions, une éloquence émouvante et convaincante, le prédicateur a montré l’analogie entre les premiers mots de la Marseillaise et les événements des premiers jours de la guerre. C’est la séparation des êtres jusqu’ici étroitement unis, c’est la résolution, la décision bien prise de quitter foyers et champs où la vie coulait douce et calme, dans le travail et la paix, pour aller affronter les dangers de la guerre et courir peut-être à la mort. Et en effet, nombreux sont ceux qui, ayant fait le sacrifice de leur vie, ne sont pas revenus.
Ils avaient fait à la Patrie le serment de la défendre et de mourir au besoin. Ils ont tenu jusqu’à la mort pour protéger, pour sauver leur mère, la libérer de l’invasion.
Ils ne furent pas de ceux qui, pour se dérober au devoir, se prétendirent pacifistes et antimilitaristes. Ces mots cachent souvent autre chose.
Ce sont là, dans tous les cas, des articles de propagande, qui, venus de l’étranger, servent chez nous le parti de l’étranger.
Nos morts n’ont pas laissé entamer leur âme et leur cœur par cette propagande, et c’est pourquoi, peur eux, c’est aujourd’hui le jour de gloire. Après avoir été à la peine, ils sont à l’honneur. Et comme parents, frères et amis trouvent insuffisante l’immortalité de la pierre, ils viennent sur leurs tombeaux, appeler les prières de l’Eglise dont l’intervention puissante auprès de Dieu leur vaudra, pour leur sacrifice et leur martyre, l’immortalité dans le Ciel pour l’Eternité.
Au cours de son allocution, l’orateur n’a pas manqué de remercier les Sociétés présentes à la cérémonie, et notamment la Société musicale, qui s’est fait entendre à différentes reprises.
A la sortie de l’église, un immense cortège se forme, composé de toutes les Sociétés, des enfants des écoles (garçon et filles), de la musique jouant des marches funèbres, et par l’avenue de la gare, superbement décorée de feuillages, se rend au cimetière.
A la fête de la municipalité et du Conseil municipal est M. Delelis, maire, ceint de l’écharpe et ses adjoints, MM. Linet et docteur Belêtre ; les fonctionnaires, M. Labrosse, juge de paix ; M. Robert, greffier ; M. Duranton, inspecteur des postes ; M. Bluzat, directeur d’Ecole, etc, etc.
Devant la croix centrale du cimetière, M. le Maire rend un hommage bref, mais émouvant aux Enfants de Sancoins ramenés du front et dont les corps reposent maintenant dans ce coin de terre au pays natal.
Des fleurs sont déposées sur les tombes par des mains pieuses et reconnaissantes, puis, dans le même ordre, le cortège revient à Sancoins, à la mairie, où pendant ce temps sont arrivées les autorités civiles et militaire venues de Bourges pour assister à l’inauguration du monument.
Prennent place sur une estrade dressée face à l’œuvre du sculpteur Lacharme : L. Rischmann, Préfet du Cher ; M. Chabanon, sous-préfet de Saint Amand ; M. Delelis, maire ; MM. Mauger et Pajot, sénateurs ; MM. Valude et Marcel Plaisant, députés, colonel Momenteau, représentant le général commandant le 8° Corps ; M. Gestat, président du Conseil général ; M. Hrand, président du Comité du monument ; Hugues Lapaire, homme de lettres ; M. Fournier Demars ; M. Blandin, maire de la Guerche ; MM. Les adjoints et les membres du Conseil Municipal, etc, etc.
Toutes les Sociétés prennent place en avant de l’estrade et autour du monument, dans le jardin qui lui sert de cadre et sont groupées dans un ordre parfait ; les enfants des écoles, les mutilés et blessés de guerre, les anciens combattants, les veuves et les orphelins, les vétérans, la Société de secours mutuels, la Société sportive, les jeunes inscrits de la classe 1922.
La musique jour la Marseillaise qu’on écoute debout, et les discours commencent. ;
M. Harand prend la parole au nom du Comité de souscription publique pour l’érection du beau monument érigé à la mémoire des 146 enfants de Sancoins morts pour la Patrie.
M. Maignot, au nom de ses camarades mutilés, prononce alors un discours émouvant que nous reproduiront demain.
Sous la direction de M. Martineau, instituteur à Sancoins, les éléves de l’école des garçons chantent en chœur l’immortelle poésie de Victor Hugo « Ceux qui pieusement sont morts » avec le refrain « Gloire à notre France éternelle : »
L’exécution fut remarquable. Elle fut empreinte d’un véritable souffle de foi patriotique. Ces enfants avaient visiblement conscience de la grandeur de la fête qu’ils rehaussaient par leurs chants, aux paroles si bien appropriées à la circonstance.
Les jeunes choristes sont très applaudis. Nos sincères compliments à leur maître dévoué.
M. Gestat parle au nom du Conseil général. Nous remettons à demain la publication de son discours.
M. Hugues Lapaire fait entendre la vois du Berry et traduit l’admiration de ses compatriotes et des accents éloquents. Nous nous proposont de publier ce bel hommage.
M. Verdet se fait l’interprète du Syndicat du commerce dont il est le président.
M. Pajot prend la parole au nom de ses collègues du Sénat. Comme toujours cet orateur n’a pas cru devoir laisser en dehors de cette cérémonie d’union certaines questions politiques irritantes.
M. Marcel Plaisant prononce en termes émouvants un discours qui exalte les vertus du soldat berrichon.
M. le colonel Momenteau d’une voix ferme et convaincue, facilement entendue de toute l’assistance, se fait l’interprète de l’armée.
La musique joue La Marseillaise.
La cérémonie est terminée.
Mais avant de s’éloigner, autorités civiles et militaires font respectueusement le tour du monument, sur le socle duquel sont déposées quantités de couronnes, de palmes, de gerbes de fleurs.
Toutes les Sociétés de la ville ont apporté leur hommage : Le Comité du Monument, les Réformés, les Mutilés, les Combattants, les Vétérans, les Veuves, les Orphelins, les Jeunes Soldats de 1922, le Syndicat du Commerce, la Municipalité, la Section sportive, les Pêcheurs à la Ligne, l’Union Musicale, les Prévoyants de l’Avenir, la Société de Secours Mutuels, etc, etc.
Le cortège officiel, escorté du maire, de ses adjoints et du Conseil municipal, parcourt le centre de la ville puis se rend au banquet servi sous la Halle par M. Bouet, propriétaire de l’Hôtel Saint-Joseph, si justement réputé.
Le chef de cet établissement se montra une fois de plus à la hauteur de sa renommée. Son menu n’était pas seulement copieux, il était encore exquis. Il fut arrosé d’excellents vins.
M. le Préfet présidait la table d’honneur, ayant en face de lui M. Harand, président du Comité. Les autres convives étaient les représentants de la municipalité, les parlementaires, les fonctionnaires.
A d’autres tables, plus de deux cents personnes avaient pris place dont la musique et don distingué chef M. Pernel.
Inlassable, les instruments ont fait entendre, au cours de ce banquet, qui fut plutôt celui du 14 juillet que de l’inauguration, divers morceaux qui ont été chaleureusement applaudis.
Au champagne, des discours ont été prononcés, par M. le Préfet, qui a terminé, s’inspirant du dernier discours prononcé par M. le président du Conseil, au banquet Mascuraud, sur l’attitude des fonctionnaires par un appel à l’Union.
Il a terminé en portant la santé de M. Millerand, qui vient d’échapper à un attentat, au Chef de l’Etat, gardien vigilant des lois et de la Constitution.
D’autres toasts ont été portés par M. Delelis, maire ; Mauger, sénateur, Valude, député.
Tous ont été très applaudis.
M. Marcel Plaisant, avant que les convives se séparent, a fait entendre une éloquente improvisation, inspirée de la situation générale et insistant sur la nécessité de faire l’union entre certains intérêts qu’on cherche à opposer, notamment ceux de l’agriculture et du commerce.
Sa péroraison a été fort applaudie.
L’impression qui restera de cette journée mémorable, c’est qu’à chacune des glorifications nouvelles de nos morts, le pays se voit rappeler la grande leçon de la guerre, et principalement l’union de nos soldats, qui fut le principal facteur de la Victoire.
Cette leçon, c’est la conviction de ceux qui gouvernent ce pays et de tous ceux qui aiment leur pays, ne doit pas être perdue. Si la France veux renaître, se développer, prospérer, si elle veut vivre, elle doit d’abord faire l’union entre tous ses enfants. A cette condition seule, la paix sera féconde, la paix pourra être assurée et maintenue. L’ennemi du dehors ne pourra rien contre une France forte, parce qu’elle restera étroitement unie.
Source: Le Journal du Cher des 17 et 18 juillet 1922. Transcription Monumentsducher1418